La Liberté

Roger Federer s’est sabordé

Tenant du titre, le Bâlois s’est fait éliminer en quarts de finale par le Sud-Africain Kevin Anderson

Publié le 12.07.2018

Temps de lecture estimé : 8 minutes

Tennis »   Voilà une défaite que personne n’a vue venir: Roger Federer a été sorti dès les quarts de finale à Wimbledon par le Sud-Africain Kevin Anderson à l’issue d’une partie aussi décevante que frustrante (2-6 6-7 7-5 6-4 13-11). Car oui, on peut s’appeler Roger Federer et perdre une rencontre après avoir survolé la manche initiale, mené deux sets à zéro et bénéficié d’une balle de match dans la troisième manche. Mais davantage que ce scénario improbable, c’est le niveau de jeu affiché par le roi du gazon qui va lui laisser des regrets.

Faut-il y voir la conséquence de son exil sur le court N°1, où les organisateurs l’ont envoyé pour la première fois depuis 2015? Une chose est sûre, loin de «son» Centre Court, Roger Federer a livré son plus mauvais match depuis bien longtemps sur le gazon londonien. Kevin Anderson (N°8) n’est évidemment pas le premier venu. Du haut de son double mètre (2 m 03), le Sud-Africain fait mal, surtout au service, et il est difficile de se procurer des ouvertures. Cela n’empêche pas de dire que Roger Federer n’a pas été à la hauteur de son standing hier, dans un tournoi où il a si souvent touché l’excellence et où il avait encore été irréprochable depuis le début de la quinzaine.

Le Bâlois a surpris par sa fébrilité face à Kevin Anderson. Peu en jambes, nerveux, il a multiplié les approximations, surtout en coup droit, là où il est généralement si redoutable. Vilaines fautes ou frappes pas assez tranchantes, il a été loin de son niveau habituel. A sa plus grande frustration d’ailleurs, en témoigne ce regard noir dont il ne s’est pas départi durant la rencontre.

«Mauvaise impression»

«Je ne sais pas si c’est lié à la brise ou si c’est tout simplement un jour sans. Mis à part dans le premier set, je ne me sentais pas à 100%, a-t-il reconnu. Plus le match avançait, moins j’arrivais à le surprendre. J’avais une mauvaise impression», a-t-il ajouté. Tout aurait évidemment pu être différent si Roger Federer avait converti sa balle de match, à 4-5 sur le service d’Anderson dans la troisième manche. Un passing en revers mal cadré l’a toutefois empêché de boucler l’affaire. Au lieu de ça, il s’est retrouvé embarqué dans une quatrième manche, puis dans une cinquième.

Un set décisif dans lequel il a encore eu des opportunités: il a gâché une balle de break à 3-4, puis il est passé deux fois à deux points de la victoire à 5-6 et 6-7. Mais Roger Federer n’est pas parvenu à enfoncer le clou. «Il a très bien joué, mais je pense ne pas l’avoir assez poussé. C’est pour cela que je ne mérite pas de gagner», a-t-il admis.

A force de gâcher, le Bâlois a fini par se saborder. A 11-11, une double faute suivie d’un coup droit dans le filet ont littéralement offert le break à son adversaire. Kevin Anderson n’en demandait pas tant, lui qui ne tremblait pas au moment de conclure après 4 h 13 de match.

«C’est comme ça contre les grands serveurs. On n’est jamais vraiment en sécurité, même avec des balles de break qui peuvent faire toute la différence. Quand on ne les exploite pas, trois heures plus tard on peut se retrouver dans cette situation à se demander pourquoi on a perdu», a résumé le Bâlois.

Rendez-vous en 2019

Comme en 2011 contre Jo-Wilfried Tsonga – déjà en quarts de finale –, Roger Federer a donc laissé filer un match à Wimbledon après avoir gagné les deux premières manches. Surtout, il ne pourra pas atteindre son grand objectif de l’année, lui qui visait dimanche un 9e sacre à Wimbledon.

«Je ne sais pas si je vais avoir du mal à digérer cette défaite. Cela peut me prendre du temps comme cela peut me prendre une demi-heure», a-t-il dit, avant d’assurer qu’il reviendrait en 2019. «L’objectif, c’est bien sûr de revenir l’an prochain. Je ne considère pas cela comme un travail inachevé. Je trouve plutôt que j’ai fait du bon boulot ici ces dernières années (sourire). Donc tout va bien. Je suis simplement déçu.» ATS


 

Nadal poussé au 5e set

Après le faux bond de Roger Federer, Wimbledon aura néanmoins droit à une affiche de rêve en demi-finale. Elle mettra aux prises Rafael Nadal et Novak Djokovic.

Pour se qualifier, l’Espagnol a dû livrer un rude combat face à Juan Martin del Potro, conclu 7-5 6-7 (7/9) 4-6 6-4 6-4. Le choc entre les deux hommes a tenu toutes ses promesses. Rebondissements, suspense et points «monstrueux» ont agrémenté cette rencontre, la plus belle depuis le début du tournoi.

Vainqueur après 4 h 48, Nadal reste en course pour un troisième doublé Roland-Garros - Wimbledon, qu’il avait déjà réussi en 2008 et 2010.

Novak Djokovic a moins souffert pour écarter Kei Nishikori (6-3 3-6 6-2 6-2). Le Serbe accède aux demi-finales de Wimbledon, une première pour lui en grand chelem depuis septembre 2016 et la finale perdue à l’US Open devant Stan Wawrinka. ATS


 

RÉSULTATS

Wimbledon. Troisième tournoi du grand chelem (44,4 millions de francs/gazon). Messieurs. Quarts de finale: Kevin Anderson (RSA/8) bat Roger Federer (SUI/1) 2-6 6-7 (5/7) 7-5 6-4 13-11. Rafael Nadal (ESP/2) bat Juan Martin Del Potro (ARG/5) 7-5 6-7 (7/9) 4-6 6-4 6-4. Novak Djokovic (SRB/12) bat Kei Nishikori (JPN/24) 6-3 3-6 6-2 6-2. John Isner (USA/9) bat Milos Raonic (CAN/13) 6-7 (5/7) 7-6 (9/7) 6-4 6-3.

Demi-finales: Anderson (8) - Isner (9), Djokovic (12) - Nadal (2).


 

COMMENTAIRE

Cela arrive même aux légendes…

Le pari de Roger Federer s’est écrasé sur l’herbe de Wimbledon. Tirer un trait sur la saison de terre battue, comme douze mois plus tôt, n’aura donc pas payé. Tombé en quart de finale face au Sud-Africain Kevin Anderson, l’homme aux vingt titres du grand chelem n’accrochera pas un neuvième Wimbledon à son formidable palmarès. Comment analyser ce revers, cet échec que personne n’avait vu venir?

Une attitude étrangement attentiste sur le terrain, des coups moins saignants, un jeu de jambes aérien devenu soudainement terrestre: Roger Federer a-t-il eu tort de faire cette coupure de plusieurs semaines? Pour son premier véritable test de la quinzaine londonienne, a-t-il manqué de cette compétition, de ce rythme, bref de toutes ces sensations que l’on acquiert uniquement en tournoi, raquette à la main et, surtout, face à un «ennemi» qui ne cherche qu’une seule chose: vous passer sur le corps?

Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre. Premièrement, parce qu’il ne faut pas l’oublier: Roger Federer n’avait pas affaire au premier venu sur le court numéro 1 du All England Lawn Tennis and Croquet Club. Kevin Anderson, c’est tout de même le dernier finaliste de l’US Open, le matricule 8 à l’ATP, que seul un Rafael Nadal au sommet de son art avait pu vaincre en septembre dernier à New York. Et deuxièmement, parce que le Sud-Africain est un géant de plus de deux mètres, dont l’amplitude offre un service capable de mettre en difficulté le meilleur des relanceurs. Un colosse aux pieds agiles qui, hier, comme cela arrive parfois, avait la raquette magique… Le flow, comme disent les anglophones pour définir cet état de grâce qui vous touche sans qu’on ne sache vraiment pourquoi.

Roger Federer est tombé sur un adversaire au réalisme froid, sur un adversaire qui a disputé le match de sa vie. Pour le vaincre, il aurait fallu qu’il soit au top niveau. Dans ce quart de finale, hélas, RF n’était pas dans un bon jour. Tout simplement. Cela arrive même à une légende comme lui. Un accident de parcours, en somme, qui ajoute un peu de pathos à sa formidable chanson de geste, qui rend ses précédents exploits encore plus magistraux. Pascal Dupasquier

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