La Liberté

Le déficit de l’ONU menace Genève

Avec la crise budgétaire des Nations Unies, le siège européen se voit contraint de réduire ses coûts

Simon Bradley, Swissinfo

Publié le 19.10.2019

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Institutions internationales » «Ce mois-ci, nous atteindrons le déficit le plus profond de la décennie. Nous risquons de commencer novembre sans avoir assez d’argent pour couvrir les salaires. Notre travail et nos réformes sont en danger.» C’est l’avertissement lancé au début du mois par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Trois jours plus tard, la vice-secrétaire générale adjointe aux stratégies et politiques de gestion en a remis une couche. Selon Catherine Pollard, le budget ordinaire de l’ONU n’a cessé de souffrir de problèmes de liquidités ces dernières années. Mais en 2019, «le déficit a frappé plus tôt, il dure plus longtemps et il est plus profond». Pour la deuxième année consécutive, l’ONU a épuisé toutes ses réserves, en dépit des mesures «draconiennes» prises pour réduire les dépenses.

Lourde dette américaine

Au 10 octobre, 62 Etats membres n’avaient toujours pas payé leur contribution. Les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Mexique, l’Iran, Israël et le Venezuela totalisent 97% du 1,4 milliard de dollars manquant (à peu près le même montant en francs). A elle seule, la dette des Etats-Unis pèse un peu plus d’un milliard. Et ce, alors que les contributions attendues s’élèvent à 2,85 milliards de dollars, soit 362 millions de plus qu’en 2018.

«Il ne s’agit pas de pointer du doigt un pays en particulier. Regardez les chiffres: nous avons 193 Etats membres de l’ONU et 131 d’entre eux ont payé (dont la Suisse avec 32 millions de dollars, ndlr), et nous ne sommes qu’en octobre», déclare Alessandra Vellucci, directrice du Service d’information des Nations Unies à Genève.

Mesures exceptionnelles

Le problème de liquidités qui affecte le siège de l’ONU à Genève concerne ses 5000 employés permanents, mais pas les agences spécialisées comme l’Organisation internationale du travail (OIT) ou l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Les plateformes de l’ONU à New York, Vienne et Nairobi et les commissions régionales sont aussi touchées.

Alessandra Vellucci précise que l’impact de la crise sur les opérations de Genève est en cours d’évaluation et que les responsables examinent des propositions spécifiques de réduction des coûts.

Depuis le début de l’année, l’ONU a soigneusement ajusté le recrutement et les dépenses autres que celles liées aux postes en fonction. Antonio Guterres est allé plus loin le mois dernier en demandant des mesures supplémentaires pour faire face au déficit: les postes vacants ne peuvent être pourvus, seuls les déplacements essentiels sont autorisés, les manifestations en dehors des heures normales de travail et certaines réunions peuvent être annulées ou reportées.

«Nous ferons tout notre possible pour ne pas avoir d’influence sur les salaires. L’objectif n’est pas de toucher aux coûts de personnel», ajoute Mme Vellucci.

«Serons-nous payés?»

Ian Richards, président de l’association du personnel de l’ONU à Genève, estime que la crise de trésorerie est très perturbatrice. Ses collègues, dit-il, sont très inquiets: «Ils veulent savoir si nous serons payés. Il y a eu un gel effectif de l’embauche depuis l’été au secrétariat de l’ONU à Genève. A l’heure actuelle, nous sommes aux prises avec des factures de carburant, la diminution des heures supplémentaires et d’une série d’événements. On a demandé aux services de retarder les conférences ou de justifier les réunions de cette année.»

Ian Richard relève aussi que les décisions de reporter ou de réduire les dépenses en biens et services peuvent avoir un impact sur les fournisseurs locaux de l’ONU.

Le pays hôte, lui, partage ces inquiétudes. «La Suisse est particulièrement préoccupée par la crise de liquidités à laquelle est confrontée l’ONU», a déclaré Paola Ceresetti, porte-parole à Genève du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Répercussions en Suisse

Estimant que la crise aura probablement un impact général sur les opérations de l’ONU, Paola Ceresetti souligne que certaines répercussions de la crise financière sont déjà palpables, comme la réduction des services de traduction par exemple.

Paola Ceresetti ajoute qu’il est dans l’intérêt de la Suisse de veiller à ce que cette situation soit résolue «aussi vite que possible et de manière durable. La Suisse exhorte tous les Etats membres à verser leur contribution annuelle, afin de permettre la poursuite des opérations de l’ONU.»

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