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Les burkinis sont malvenus dans les piscines de Suisse romande

Religions • Où se baigner en burkini? En Romandie, seule la ville de Neuchâtel autorise ce maillot, mais seulement en lycra et près du corps. Qu'en est-il à Fribourg et notamment aux Bains de la Motta?

Laurence Villoz, Protestinfo

Publié le 18.07.2014

Temps de lecture estimé : 7 minutes

«Une maman ne peut pas accompagner son enfant à la piscine si elle porte un burkini car il est interdit même aux abords des bassins», déplore Israh Beghriche, la secrétaire générale de l’Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse. Dans la majorité des bassins romands, les burkinis – des costumes de bain couvrant l’entier du corps, un mot valise entre la burqa et le bikini – sont interdits. Mais chaque commune possède son propre règlement qui varie d’un endroit à l’autre.

Autorisé sur la base d’un certificat médical

A Genève, par exemple, le règlement du Centre sportif des Vernets stipule, à l’article 18g, qu’il est interdit «de pénétrer dans la zone du bassin en tenue autre qu’en maillot de bain […]». «En cas d’accident, d’autres habits qu’un maillot de bain sont une entrave au sauvetage. Si la personne accidentée doit être choquée, découper ses habits remplis d’eau entraîne une réelle perte de temps», explique Sybille Bonvin, la cheffe du Service des sports de la Ville de Genève.

Les t-shirts et les caleçons longs sont autorisés uniquement sur la base d’un certificat médical. Actuellement, il n’y a pas d’alternative pour les baigneuses en burkini. «Nous y réfléchissons. Un de nos bassins pourrait éventuellement être consacré ponctuellement à des groupes de femmes», ajoute la cheffe du Service.

Du côté de Lausanne, si les combinaisons intégrales sont également interdites, les shorties – des combinaisons à manches courtes et short – sont autorisés. «Pour toutes les piscines publiques lausannoises, un règlement interne autorise les «maillots» qui recouvrent au maximum les mi-bras et les mi-cuisses, sauf pour les bassins de Mon-Repos où les vêtement en néoprène ne sont pas autorisés», explique Christian Barascud, le responsable des piscines de la Ville de Lausanne. «Ce règlement a été adopté pour des raisons d’hygiène, il y a une douzaine d’années, alors que c’était la mode des longs shorts de bain pour les hommes». Par contre, la piscine de la Vallée de la Jeunesse réserve quelques heures aux femmes musulmanes, les dimanches après-midi. 

«Le shorty s’est avéré un bon compromis»

A Yverdon-les-Bains, la situation est identique: seul le shorty est autorisé, en plus des maillots standards. En décembre 2013, une écolière de 9 ans s’était fait renvoyer de la piscine couverte d’Yverdon car elle portait un burkini, alors qu’elle suivait un cours de natation avec sa classe. «A la suite de cet événement, nous nous sommes interrogés sur la meilleure façon d’intégrer les jeunes musulmans. Le shorty s’est avéré un bon compromis», explique Jean-Daniel Carrard, municipal de la ville d’Yverdon-les-Bains.

En mars dernier, le règlement des piscines d’Yverdon-les-Bains a été modifié. Il stipule désormais, à l’article 19 alinéa 6, qu’il est interdit «de se baigner et de porter d’autres vêtements qu’un costume de bain, qu’ils soient longs ou courts, à l’exception des combinaisons en néoprène de type shorty». «La solution est imparfaite, mais après avoir discuté avec quelques parents musulmans, ce type de combinaison a été accepté comme une alternative possible». Par contre, aucune plage horaire n’est réservée aux clientes musulmanes.

Incompréhension parmi les musulmanes

«Nous ne comprenons pas en quoi les burkinis dérangent. Ils sont dans la même matière que les costumes de bain, les femmes se douchent avant de le mettre et ne les utilisent que pour aller à la piscine. Interdire ce vêtement pour des questions d’hygiène est un prétexte», explique Israh Beghriche. Face à cette situation, les femmes qui portent ce type de vêtement renoncent à aller se baigner. Néanmoins, elles peuvent aller à Neuchâtel où la situation est différente de la plupart des villes de Suisse romande.

Depuis le mois de mars 2013, un règlement interne pour les piscines de la Ville de Neuchâtel autorise les burkinis, à condition qu’ils soient en lycra et près du corps. «J’ai rencontré plusieurs femmes musulmanes et nous avons discuté ensemble afin de trouver des solutions qui leur permettraient de respecter leur religion et les normes de sécurité», explique Mathieu Séguéla, le gestionnaire des piscines de la Ville de Neuchâtel.

La ville de Fribourg n’est pas confrontée à la question

Ainsi les clientes musulmanes ont le choix entre porter une combinaison de natation intégrale avec un bonnet, un burkini en lycra près du corps ou encore de réserver les bassins du Nid-du-Crô le samedi soir dès 18h, après la fermeture au public. Le gestionnaire précise l’importance de ne pas porter de vêtement ample dans l’eau pour des questions de sécurité et non pas d’hygiène. Il ajoute néanmoins que «rares sont les femmes qui viennent nager en combinaisons intégrales». 

Si le burkini se fait inhabituel à Neuchâtel, la ville de Fribourg n’est pas confrontée à la question. «Nous n’avons pas encore rencontré de personne désirant porter ce type d’habit de bain», explique Pierre Gisler, le chef du Service des sports de la Ville de Fribourg. Dans le règlement des bains de la Motta, il est uniquement stipulé que «le port du maillot de bain est obligatoire» et que «les shorts utilisés à l’extérieur de la piscine sont interdits». «Si des personnes souhaitent se baigner en burkini, nous évaluerons la situation au cas par cas», précise Pierre Gisler.

Les hommes musulmans ont aussi leur maillot de bain spécifique

Si le burkini existe depuis plusieurs années, aucune solution n’était offerte aux hommes désireux d’appliquer les règles de l’islam en matière de pudeur. Ils sont, en effet, tenus de se couvrir du dessous des genoux au dessus du nombril.

Créé en 2013 par trois entrepreneurs parisiens la marque Rajoul, l’homme en arabe, annonce être la première à mettre sur le marché une solution adaptée aux hommes musulmans pour la baignade. Ce «1er short de bain islamique pour homme au monde» est disponible depuis avril 2014. Il est baptisé Awraswim de «awra» qui désigne la zone qui doit être couverte et swim, «nager» en anglais.

Il est composé d’un sous-short en élasthanne couvrant entièrement l’awra, par-dessus lequel vient se placer un short moins moulant et un peu plus court. Enfin, une ceinture large assemble le tout. Ce nouveau produit est disponible sur la boutique en ligne de la marque et peut être envoyé dans plus de 180 pays. Le fabricant annonce que si les ventes de cet été le permettent, des revendeurs seront recherchés dès septembre. 

Au vu des différents règlements des piscines suisses, son port ne sera probablement pas toléré dans de nombreux bassins. Plusieurs textes interdisent de porter un sous-vêtement sous le costume de bain ou précisent que les shorts doivent s’arrêter mi-cuisse.

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