La Liberté

Une épée de Damoclès sur l’ATS

Nouvelles coupes pressenties: environ 15 postes seraient menacés à l’agence de presse

Philippe Boeglin

Publié le 05.11.2018

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Médias » L’Agence télégraphique suisse (ATS) se serait bien passée de son actuelle notoriété. Traditionnellement moins connue du grand public que les autres médias, l’agence de presse fait depuis une année régulièrement les gros titres. En cause, les nombreux emplois supprimés dans sa rédaction: quelque 35 postes sur 150.

Et les coupes pourraient bien ne pas s’arrêter là. Selon des sources concordantes, environ 15 postes supplémentaires seraient menacés. Rien n’a été confirmé officiellement, mais le scénario circule sérieusement au sein de l’agence (désormais Keystone-ATS depuis sa fusion avec l’agence photo).

Nouvelle réduction?

Une nouvelle réduction des effectifs soulèverait des questions d’ordre démocratique. Elle affaiblirait l’ATS, qui assure un service public médiatique depuis le XIXe siècle. Juridiquement, l’agence est certes une société anonyme privée. Mais dans les faits, elle livre chaque année des dizaines et des dizaines de milliers de textes factuels – et depuis peu des vidéos – aux autres médias… et in fine à la population.

Radios, télévisions, sites internet, journaux: tous peuvent s’approvisionner en dépêches. Le tout en allemand, français ou italien, et portant sur la politique nationale comme internationale, l’économie, les faits divers, les affaires judiciaires, le sport ou la culture.

Au Parlement fédéral, des élus de divers partis se disent conscients du problème. «Une agence de presse neutre et généraliste remplit une fonction centrale, d’autant plus en cette période de fake news (fausses informations). Notre pays a besoin d’une agence forte, on ne peut pas supprimer chaque année plusieurs postes, et en même temps maintenir la qualité», appelle la conseillère nationale Viola Amherd (pdc,VS), depuis peu candidate à la succession de la conseillère fédérale Doris Leuthard.

Le conseiller national libéral-radical Olivier Feller (VD) partage son avis. «Keystone-ATS est systémique dans le domaine des médias. La mission et l’ampleur de l’agence ne peuvent pas être remises en question tous les six mois.» A gauche, le chef du groupe parlementaire socialiste Roger Nordmann (VD) secoue la tête: «C’est consternant. Les actionnaires de l’agence ne prennent pas leurs responsabilités.»

Une entreprise privée

Les actionnaires? Le capital de Keystone-ATS se trouve en mains de grands groupes de médias suisses, comme Tamedia, la NZZ ou la SSR, ainsi que de l’agence autrichienne APA. Entreprise privée, Keystone-ATS touche indirectement de l’argent public, notamment via l’abonnement payé par la SSR ou par celui de la Confédération. Elle devrait même à l’avenir encaisser deux millions de francs annuels de la redevance radio-TV, à condition de prouver qu’elle les utilise pour fournir de l’information aux radios et télévisions régionales.

Fait particulier, la plupart des actionnaires sont également clients. Et vu les difficultés économiques du secteur médiatique, avec la gratuité de l’information sur internet et la chute des revenus publicitaires, les abonnés de l’agence font pression sur les prix. Ce qui ne simplifie pas la vie de Keystone-ATS.

Un climat pesant

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que de nouvelles suppressions de postes soient évoquées à l’interne. Cette fois-ci, on parle d’environ 15 emplois. Le fardeau pourrait se répartir entre la rubrique sport, mise à mal par le désabonnement du gros client Tamedia, et la rubrique de politique nationale et internationale. Les bureaux régionaux s’en tireraient indemnes. C’est en tout cas un scénario possible, selon nos sources.

Keystone-ATS ne livre pas davantage de précisions. Contactée, l’agence se borne à dire qu’elle «ne commente par principe pas les spéculations», transmet sa responsable de communication Nadine Schumann-Geissbühler.

En attendant, le climat ne s’améliore guère dans les rangs. Le début d’année avait été marqué par plusieurs jours de grève pour protester contre l’élimination d’un quart des emplois de la rédaction. Et dernièrement, l’ensemble des journalistes romands, ainsi que la grande majorité des journalistes alémaniques, ont préféré faire l’impasse sur la soirée du personnel.

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