Le dessin-triptyque d’Alex (1.7) illustrant un roi des Belges, des Africains et un Tintin apeuré, interpelle. Comment interpréter la réaction de Tintin et de ses compères de BD quand le monarque prononce ces mots: «Li missiés blancs y en a été très méchants»?

Considèrent-ils que Sa Majesté se fourvoie avec ses débuts d’excuses? Ont-ils peur de la réaction de la foule africaine face à ces excuses minimalistes (Leopold II a bien commis des atrocités au Congo, ce pays étant, au début, sa propriété)? Ou bien ont-ils simplement peur que l’opinion publique actuelle ne méjuge le livre Tintin au Congo?

Certes, en relisant ce bel ouvrage, l’on voit bien que les Noirs sont fortement caricaturés. Maintes fois corrigée sur certains aspects (par exemple, l’expression «nègres» a été transformée en «noirs»), cette BD a cependant le mérite de présenter certains aspects de l’époque coloniale, vus par un Belge de 1930.

Lisons-la donc comme un livre d’histoire de l’époque. L’on y voit ainsi que le progrès (les trains encore rustiques, l’antique caméra, l’électroaimant, un avion, l’école, un médicament, etc.), y côtoie la façon dont les Blancs considéraient certains Noirs (400 ethnies attachantes, craintives, naïves, parfois bagarreuses, etc.). D’ailleurs, ce sont plutôt les Blancs qui sont les méchants dans l’intrigue…

Cela dit, relisez ce bel album – qu’Hergé a adapté aux goûts du jour, sans jamais le renier – et ne le brûlez pas sur la place publique comme les excités de Goebbels l’ont fait pour des livres écrits, entre autres, par des Juifs. Et que les protecteurs des animaux, en le lisant, ferment un œil sur les moult mises à mort d’animaux qui parsèment le livre!

Benoît Rey, Châtel-Saint-Denis