La Liberté

Un congrès divisé

Aux Etats-Unis, les démocrates reprennent le contrôle de la Chambre des Représentants, les républicains gardent celui du Sénat.

 

Une chambre à majorité républicaine, l'autre démocrate: Donald Trump a eu beau parler d'«énorme succès électoral», sa marge de manoeuvre sera quelque peu réduite pour la deuxième partie de son mandat.
Une chambre à majorité républicaine, l'autre démocrate: Donald Trump a eu beau parler d'«énorme succès électoral», sa marge de manoeuvre sera quelque peu réduite pour la deuxième partie de son mandat.

Kessava Packiry, New York

Publié le 07.11.2018

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Cette fois, les sondages ne se sont pas trompés: les démocrates reprennent le contrôle de la Chambre des Représentants, les Républicains gardent celui du Sénat. Hier, à l’occasion des élections législatives de mi-mandat (midterms), les Américains ont modifié la donne pour les deux ans à venir. Jusqu’ici, le président Donald Trump avait l’appui de son parti, majoritaire aux deux Chambres. Avec un Congrès divisé, il lui sera plus difficile de manœuvrer.

Ce scrutin, qui a pris la forme d’un référendum sur un personnage clivant, a enregistré une participation exceptionnelle, selon plusieurs médias. Les élections anticipées, dans une dizaine d’Etat, donnent une idée de cette ampleur: « Près de 40 millions d’électeurs ont voté », indique John Zogby, sondeur et politologue américain. C’est 40% de plus que lors du précédent exercice. Pour rappel, les Américains renouvelaient l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des Représentants et 35 des 100 sièges du Sénat. Pour contrôler ces deux chambres, les démocrates devaient conquérir 23 sièges supplémentaires à la chambre basse, et deux à la Chambre haute. 

«Ils ne pourront pas le destituer»

Certes, il reste encore de nombreux scrutins à dépouiller du côté de la côte Ouest, en raison des fuseaux horaires du pays. Mais les jeux semblent faits: aux derniers pointages, les démocrates avaient repris 26 sièges aux républicains à la chambre basse, mais perdu trois sièges au Sénat. Ce qu’il va se passer par la suite? « Les démocrates passeront sans aucun doute beaucoup de temps à ouvrir des enquêtes sur un certain nombre de questions concernant le président », avance Kathleen Dolan, professeure distinguée du Département de science politique de l’Université du Wisconsin, Milwaukee. «Mais ils pourraient ne pas le destituer.» Tout simplement parce qu’il faut une majorité de 60% au Sénat. « Et parce que les démocrates courent le risque d'un retour de bâton des électeurs, qui en ont assez des scandales et des combats. »

Pourtant, selon John Zogby, les deux partis ne vont pas vraiment collaborer ensemble! Il le dit en soulignant le point d’exclamation. «En fait, ce que vous aurez, c'est une enquête après l'autre. Les démocrates voudront du sang, tout comme les républicains voulaient du sang, et cela donnera au président Trump une formidable occasion de se positionner comme la victime d'un vieux réseau qui dirige Washington depuis trop longtemps. Et Trump est à son meilleur niveau lorsqu’il se retrouve en victime. »

Presque une grosse surprise au Texas

Petit retour sur la soirée, où, au Texas, on a un moment cru à une grosse surprise. Figure montante du parti, le démocrate et ancien rocker Beto O’Rourke, 46 ans, a longtemps tenu la dragée haute au tenant du siège sénatorial Ted Cruz. C’est finalement le républicain qui l’a emporté: à 80% de dépouillement, il ne pouvait plus être rejoint. Toujours au Sénat, la tâche s’est avérée de plus en plus difficile pour les démocrates avec la perte d’un siège-clef dans l’Indiana. A minuit et demi, avec le Dakota du Nord et le Missouri, les démocrates avait perdu trois sièges et leurs illusions sénatoriales.

Du côté de la Chambre des Représentants, la « vague bleue » annoncée (en référence à la couleur du parti) a bien déferlé. Les sièges ont été repris aux républicains, principalement dans des districts suburbains ou métropolitains. « Des banlieues de Richmond aux subdivisions de Chicago et même d'Oklahoma City, un éventail de candidats divers - dont beaucoup étaient des femmes, des candidats pour la première fois ou les deux - se sont précipités vers la victoire », relève le New York Times.

Une femme de 29 ans, une Amérindienne et deux musulmanes

Parmi les surprises, on soulignera la victoire d’Alexandra Ocasio-Cortez. A 29 ans, cette hispanique démocrate de New York devient la plus jeune élue au Congrès: elle a battu le républicain Anthony Pappas, 72 ans. Trois autres femmes démocrates sont également à mettre en évidence: Sharice Davids (Kansas) est la première Amérindienne à faire son entrée au Congrès; Ilhan Omar, ancienne réfugiée somalienne, et Rashida Tlaib, une Américano-Palestinienne, sont les premières musulmanes à être élues à la Chambre des représentants. Elles viennent respectivement du Minnesota et du Michigan. Les femmes figurent d'ailleurs parmi les grandes gagnantes de ces élections: 115 ont accédé au Congrès, du jamais-vu. 

Côté républicain, on relèvera le retour en politique de Mitt Romney, 71 ans. L’ancien candidat à la présidentielle américaine a battu la démocrate Jenny Wilson dans l’Etat de l’Utah. Il siègera désormais au Sénat où il pourra à nouveau croiser le fer avec Donald Trump. Le vice-président Mike Pence a pour sa part salué son frère Greg pour son élection au Congrès. Donald Trump, lui, a revendiqué sur Twitter « un immense succès » électoral tout en remerciant les électeurs. Beau joueur, il a également téléphoné à la cheffe de file des démocrates à la Chambre des représentants Nancy Pelosi pour la féliciter de la victoire de son parti. 

Comme le rappelle l’agence Bloomberg, les élections de mi-mandat ont souvent été défavorables au président en poste. Barack Obama avait ainsi perdu 69 sièges (dont 3 au Sénat) en 2010. Pourtant, sa cote de popularité était supérieure à celle de Donald Trump actuellement (près de 40%).

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