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Energie «propre»

Autosuffisance à 70% en électricité d’ici à 2035. l'objectif ambitieux du Jura

Le Jura mise ouvertement sur la géothermie profonde. Autosuffisance à 70% en électricité d’ici à 2035

Une centrale géothermique est en projet depuis déjà dix ans sur la commune de Haute-Sorne.

 Alain Meyer

Alain Meyer

8 août 2022 à 04:01

Série d’été » Ce sujet est le quatrième volet d’une série d’été consacrée à des projets en Suisse qui visent à produire davantage d’énergie de manière la plus «propre» possible.

Anticiper les pannes de courant projetées pour cet hiver? Les cantons s’y préparent, à l’instar du Jura. Mi-juillet, les autorités cantonales ont indiqué que des discussions avec les principaux fournisseurs d’énergie allaient avoir lieu dans le courant de cet été pour «gérer au mieux un manque d’approvisionnement». Y sont conviés également des représentants d’infrastructures critiques comme l’Hôpital du Jura. «Les préparatifs pour faire face à une pénurie d’électricité ou de gaz sont lancés», ont-elles assuré. Et d’ici la rentrée, des mesures incitatives pourraient être annoncées aux entreprises et aux particuliers. Mais excepté les factures de gaz qui n’ont cessé d’enfler ces derniers mois à Delémont, la situation est loin d’être critique dans un canton où le niveau de disponibilité de l’approvisionnement en énergie est de 1 sur une échelle de 4, le stade le plus critique étant 4. A cela s’ajoute la perspective d’expérimenter enfin la géothermie profonde.

Grâce à son futur mix énergétique, le Jura nourrit l’ambition de devenir à 70% autosuffisant en électricité d’ici à 2035. Mais difficile de dire quand la centrale de géothermie projetée depuis dix ans déjà sur le territoire de la commune de Haute-Sorne, à l’ouest de Delémont, pourra démarrer. Des premières mesures sismiques sont prévues l’an prochain et des forages en 2024. Un bilan sera dressé fin 2025, selon le calendrier prévisionnel. «Si tout va bien, la production d’électricité pourrait débuter en 2028-2029 car tous les obstacles politiques sont désormais levés», se réjouit Olivier Zingg, responsable en Suisse romande pour le groupe Géo-Energie Suisse SA. «Ce projet de Haute-Sorne est le seul de ce type piloté par notre groupe de ce côté-ci de la Sarine. Mais d’autres dossiers des cantons de Lucerne, Vaud et Thurgovie dorment dans nos tiroirs», avoue-t-il. Ils pourraient être réactivés selon les résultats dans le Jura.

La communication prime

Dans le climat anxiogène actuel, le Gouvernement jurassien a passé ce printemps une étape en s’engageant plus en avant dans ce projet. «Ici, c’est la communication qui prime», s’exclame Céline Robert-Charrue Linder, députée verte au parlement cantonal. «Dès lors que l’exécutif nous a donné l’assurance de garanties de sécurité et d’une information régulière à l’attention de la population, rien ne s’oppose plus pour nous, en l’état actuel du dossier, à la poursuite de ce projet», argumente-t-elle. Une commission de suivi et d’information a été mise en place. Présidée par un non-expert de la géothermie, le professeur en droit constitutionnel de l’Université de Neuchâtel Pascal Mahon, donc potentiellement neutre et objectif, elle serait en passe d’être constituée. «C’est un espace de dialogue qui a fait défaut par le passé», confesse David Eray, le ministre de l’Environnement et président du Gouvernement jurassien.

David Eray part du principe que la puissance de cette centrale pourrait générer, sur une période d’un an, une production d’électricité d’environ 30 GWh (gigawattheures). De quoi, selon les experts, fournir 6000 foyers jurassiens. Injectée dans le réseau électrique du canton, elle pourrait couvrir l’équivalent de 5% de la consommation actuelle dans le Jura. «Mais tout dépendra de la chaleur du sous-sol et de la capacité à l’exploiter», note avec précaution le ministre.

Avec la pression mise sur le secteur des énergies, il sait que le temps est compté. «La production de cette centrale équivaudrait à 6 ou 7 éoliennes, avec l’avantage que l’électricité fournie serait produite toute l’année et indépendamment de la météo», promeut-il. Mais à qui profitera finalement ce courant autoproduit made in Jura? «La population de Haute-Sorne ne bénéficiera pas d’avantages tarifaires», prévient-il. «Mais l’exploitant (Géothermie Suisse) s’est engagé à mettre à disposition la chaleur résiduelle aux meilleures conditions selon les besoins et attentes de la commune. Elle recevra aussi des redevances et la société Geo-Energie Jura, antenne de Géo-Energie Suisse, devra être domiciliée, elle, en Haute-Sorne».

Ancré dans le tissu local

Pour le canton, les attentes liées à cette expérience sont nombreuses. Des redevances et impôts en termes de retombées directes. «Et des travaux attribués aux entreprises locales, car une partie des 130 millions d’investissements prévus pour ce projet leur reviendra, Géothermie Suisse s’y est engagée», assure David Eray. Ce dernier ajoute que «le capital de la société Geo-Energie Jura est ouvert aux investisseurs locaux». Un appel du pied pour ancrer cette expérience dans le tissu local.

Indirectement aussi, le Jura a tout à y gagner. «Une image innovante et la possibilité de développer des compétences», résume son ministre. Etant donné que son canton n’est ni développeur ni exploitant du site, il se limitera à mettre en place les conditions-cadres pour développer cette nouvelle technique. Pourtant celle-ci continue de chatouiller les opposants au fracking, les tenants du projet de Haute-Sorne prévoyant par exemple de forer de façon exploratoire jusqu’à 5 km de profondeur. Regroupée au sein de l’association Citoyens Responsables Jura, cette frange a exigé cet été l’arrêt des travaux au motif que le permis de construire n’était plus valable après des retards.

Pas de nucléaire

Une chicane administrative sans risque de faire capoter le projet pour le camp favorable. Au contraire, du temps gagné pour mieux contrer la géothermie profonde pour les anti-fracking? Les avis divergent toujours aussi un peu chez les Verts du Jura. «Majoritairement, nous y sommes maintenant favorables dès lors que le gouvernement nous a fourni des garanties. Soit une transparence totale et une information assurée pour les gens», relève Céline Robert-Charrue, qui salue ici une solution locale. «Notez que nous restons opposés au nucléaire», dit-elle.

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