Transparency International critique le lobbyisme en Suisse
Le lobbyisme en Suisse pêche par un manque de transparence, l'absence de réglementation et le poids excessif de certains intérêts particuliers, critique Transparency International. Cela mène à des risques de corruption et à des influences néfastes pour la démocratie.
La Suisse fait mauvaise figure dans l'évaluation au niveau européen de la qualité du lobbyisme, relève l'ONG Transparency International Suisse dans une étude publiée jeudi portant sur 20 Etats et trois institutions de l'Union européenne. Elle ne figure qu'au 11e rang.
La Suisse pêche particulièrement pour ce qui est de la transparence et de la plupart des règles d'intégrité, comme les règles de déontologie pour les lobbyistes. Concernant la traçabilité de leurs actions, la Confédération obtient également une note très basse.
Risques de corruption
Selon l'analyse de l'ONG, la réglementation du lobbyisme sur le plan fédéral est insuffisante pour éviter des risques de trafics d'influence pouvant aller jusqu'à la corruption. "En dépit de progrès ponctuels en matière de transparence, les activités de lobbyisme les plus efficaces ont toujours lieu au quotidien dans l'opacité", estime-t-elle.
Il en va ainsi de l'influence exercée dans les procédures réalisées en amont au sein de l'administration, qui se déroulent en coulisses, dans les commissions parlementaires, qui se réunissent à huis clos, et dans les intérêts croisés unissant parlementaires et lobbyistes, note l'étude.
La principale force de lobbyisme dans la Berne fédérale ne relève pas des lobbyistes professionnels, mais se trouve plutôt au sein du Parlement, insiste l'ONG. Les conseillers nationaux et les conseillers aux Etats comptent à eux seuls, selon leurs propres déclarations, plus de 2000 liens d'intérêt avec plus de 1700 organisations.
"Organes officieux"
Certaines commissions parlementaires accumulent en outre plus de 200 mandats de lobbyisme, critique encore l'organisation. "Tout cela sans compter d'innombrables organes officieux et cercles qui réunissent députés et lobbyistes en toute discrétion".
Des rapports de lobbyisme direct s'établissent également au sein des quelque 150 intergroupes parlementaires enregistrés. Si la loi limite l'adhésion à ces groupes aux membres du Parlement, l'étude de Transparency International relève que les secrétariats de deux tiers de ceux-ci sont tenus par des lobbyistes externes.
Cette proportion avoisine même les 90% pour ce qui est des intergroupes se consacrant aux thèmes propres à la politique fédérale, note encore l'ONG.
Dix revendications
Sur la base de son étude, Transparency International Suisse émet dix revendications, regroupées en trois axes. Elle exige tout d'abord davantage de transparence tout au long du processus de décision politique.
Concrètement, le Parlement, le Conseil fédéral et l'administration devraient systématiquement documenter et rendre publiques les interventions des lobbyistes. Ces derniers, mais également les parlementaires, devraient déclarer leurs mandats et leurs intérêts de façon plus complète qu'actuellement, en indiquant particulièrement les aspects financiers.
L'ONG demande ensuite une équité d'accès. Lorsque le Parlement ou l'administration fait appel à des représentants d'intérêts spécifiques, tous les groupes d'intérêts concernés doivent avoir les mêmes possibilités de concourir à la formation de l'opinion.
Enfin, Transparency International réclame de l'intégrité et des règles claires et contraignantes. Ces dernières, qui doivent concerner notamment les conflits d'intérêts, les cadeaux et les voyages privés, sont indispensables pour garantir l'intégrité des députés et des lobbyistes professionnels.
ats