La Liberté

Ceux qui ne démissionnent pas

«Bienvenue au club!» • Le Kim Jong-un de la FIFA a finalement abdiqué. Drôle d'idée, qui ne traverserait pas l'esprit d'autres gens importants dévoués à la cause du ballon rond…

Pascal Bertschy

Publié le 03.06.2015

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Restent en place: les PDG d'Adidas, Coca-Cola, McDonald's, Budweiser, Continental, Castrol et autres grands partenaires commerciaux de la FIFA. Ont tous investi des dizaines de millions et en ont gagné beaucoup plus en parrainant les dernières éditions de la Coupe du monde, dont l'attribution et l'organisation se jouaient à coups de pots-de-vin. Monsieur Coca, Monsieur McDo et leurs amis ont aussi bien ri: encourager la consommation d’alcool, de boissons gazeuses, de fast food et de produits polluants à travers un sport a quelque chose de rigolo, non?

Gardent leur poste: les dirigeants du groupe Vinci et des autres entreprises chargées de la construction des sites de la Coupe du monde 2022, cadeau que le Qatar a pu s'offrir en faisant pleuvoir les pétrodollars. A noter que cette pluie n'a pas touché les ouvriers-esclaves, népalais pour la plupart, à l'œuvre sur les chantiers qataris où plusieurs dizaines d'entre eux ont déjà trouvé la mort.

Sont toujours bien assis dans leur fauteuil: les directeurs des grandes chaînes de télévision qui ont sorti leur carnet de chèques pour diffuser les matches de Coupe du monde et ont été rarement déçus, en retour, par les recettes publicitaires et par les taux d'audience que leur amenait l'épreuve phare de la FIFA.

Conservent leur aura médiatique et leurs primes: les diverses personnalités à travers le monde qui ont soutenu la candidature du Qatar. A l'image de Zinédine Zidane, cet aspirateur à contrats publicitaires, et surtout du photographe héliporté Yann Arthus-Bertrand, ce chantre français de l’écologie qui trouvait vachement écologique la construction de stades climatisés dans le désert d'un pays détenant aujourd’hui la plus forte empreinte écologique par habitant au monde. 

N'envisagent pas de changer de métier: les producteurs de cinéma qui ont accepté, pour vingt-cinq millions d'euro, de bâcler «United Passions: la légende du football» (sorti quasi clandestinement en 2014). Soit ce film grotesque et involontairement hilarant censé célébrer la FIFA, où Gérard Depardieu incarne Jules Rimet tandis que Tim Roth interprète Sepp Blatter. Jamais d'ailleurs le Kim Jong Un de Zurich n'a paru aussi attachant, dévoué, honnête, serviable, sympa et travailleur que dans ce navet réalisé à la demande de la FIFA…

Ne songent pas à partir: les membres du comité du HC Viège. Magnifique club de hockey sur glace, certes, mais dont Blatter s'occupait si bien au début des années 1960 qu'il a pu y entamer sa carrière d'ambitieux charmeur professionnel. Lourde responsabilité du HC Viège et du hockey: s'ils avaient su garder le jeune Sepp dans leur giron, le football serait peut-être encore une affaire plus ou moins simple.

Se refuse également à démissionner, enfin: le grand public, c'est-à-dire nous tous. Il y a quarante ans, le football intéressait disons trois personnes sur dix. Aujourd'hui, ça doit être huit sur dix. Qu'est-ce qui a pris au monde entier de se passionner pour ce truc-là? Des matches, de l'événement, des feux d'artifice, du gigantesque, nous en redemandons. Du coup, la FIFA nous en sert en veux-tu en voilà. Si tout a dérapé, à un moment, c'est un peu de notre faute: Sepp Blatter agissait pour satisfaire nos désirs. Le dictateur de la FIFA-Strasse à Zurich, d'une certaine façon, a été aussi notre domestique. C'était donc bien à lui de rendre son tablier…

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