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Poésie, nom féminin

Où sont les femmes? Absentes du canon littéraire, mais pas du riche programme du Printemps de la poésie, qui célèbre le «matrimoine»

Marguerite Burnat-Provins (ici un autoportrait) fait partie des poétesses honorées ce printemps.

 Thierry Raboud

Thierry Raboud

11 mars 2023 à 02:01

Festival » Allez, faisons le compte. Tirons de la bibliothèque le canonique Dictionnaire de poésie de Baudelaire à nos jours (2001), sautons directement à l’index des auteurs… et dénombrons les autrices. Sur 417 poètes faisant l’objet d’un article dans l’imposant ouvrage, 28 sont des femmes. Poésie, j’écris ton nom au masculin?

«Même si leur contribution n’a guère voire pas du tout été reconnue, les écrivaines francophones ont continûment joué un rôle dans l’histoire de la littérature de langue française», écrivait pourtant en 2020 la chercheuse Alison Rice dans l’ouvrage collectif Femmes et littérature. Une histoire qu’il s’agit donc de relire puis de réécrire, afin de rappeler quelles difficultés il pouvait y avoir, pour une écrivaine des siècles passés, à trouver sa place légitime dans un champ littéraire français historiquement dominé par les hommes. Afin, aussi, d’honorer celles qui, avec force ruse ou ténacité, y sont parvenues.

«Réparer les dégâts»

C’est la belle ambition du Printemps de la poésie, qui dès samedi prochain et jusqu’au 1er avril essaimera 80 événements partout en Suisse romande, sous le thème de «l’élémentaire au féminin». Opportunisme? Il est vrai que cette affirmation féministe résonne particulièrement dans une époque marquée par la déconstruction systématique de toutes les dominations. Mais le prétexte est salutaire, qui permet de relire des textes trop longtemps passés sous silence tout en portant un bel éclairage sur la relève poétique contemporaine, dont les femmes tiennent haut le flambeau.

«Ce qui est flagrant, c’est que les nouveaux talents sont essentiellement des femmes», confirme dans Livres Hebdo Jean-Yves Reuzeau, directeur éditorial au Castor Astral, maison indépendante à bel accent poétique. «On a l’impression que l’édition française répare les dégâts des décennies antérieures», renchérit Bruno Doucey, fondateur de la maison d’édition qui porte son nom, dont le catalogue comprend un recueil bilingue de Femmes poètes de la Beat Generation et accueillera en mai prochain une anthologie de femmes afghanes.

Il est vrai qu’en France, de Cécile Coulon à Rim Battal, les jeunes vers ont des «elles». Mais c’est également le cas ici, que l’on songe seulement à Anne-Sophie Subilia, Eve-Line Berthod ou encore Eva Marzi, parmi bien d’autres. Poétesses que l’on retrouvera ci ou là dans le programme de cette quinzaine romande, qui sera aussi l’occasion de partir à la découverte du «matrimoine persan», de redécouvrir la figure de Louise Labé, célèbre poétesse de la Renaissance, ou encore d’entendre le scandaleux Livre pour toi (1907) de Marguerite Burnat-Provins.

De son temps

A Sion, un «brunch poético-ludique» célébrera ce «matrimoine» poétique romand et interrogera la constitution du canon littéraire, tandis qu’à Genève, quatre poétesses mêleront leurs voix à la percussion.

Du Locle à Cully et de Fribourg à Lausanne, la poésie prendra toutes les formes – performance, table ronde, slam, atelier d’écriture, court-métrage ou danse –, comme pour affirmer qu’elle est bien de son temps, et surtout qu’elle évolue avec lui. Oui, de quoi remplir les dictionnaires à venir.

Printemps de la poésie, du 18 mars au 1er avril, dans toute la Suisse romande. www.printempspoesie.ch

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