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Monde

Les retours de flammes

L’homme expose toujours plus la planète aux incendies extrêmes. En Amazonie plus qu’ailleurs


 Thierry Jacolet

Thierry Jacolet

30 août 2019 à 01:25

Incendies » L’écran de fumée amazonien masque une réalité brûlante: les incendies de forêt et feux de brousse dévorent d’immenses superficies à travers le monde dans une quasi-indifférence. A moins que des villes ne soient menacées ou enfumées. En pleine poussée de fièvre provoquée par les émissions de gaz à effet de serre, la planète a vu apparaître une éruption de boutons du côté de l’Amazonie et de l’Afrique australe principalement. Des régions criblées de points rouges sur la carte satellite de la NASA, comme autant de signaux d’alarme.

1. La situation est-elle exceptionnelle?

Les feux intentionnels annoncent la saison sèche au sud de l’équateur en Amazonie, en Afrique australe et en Asie du Sud-Est. Une flambée est aussi survenue cet été en Europe (Grèce, Portugal, France…), aux Etats-Unis et en Sibérie. Rien de nouveau. L’intensité des incendies dans des puits de carbone comme l’Amazonie traduit toutefois une déforestation à marche forcée inquiétante. Pas mieux pour aggraver les effets du réchauffement climatique, qui favoriseront à leur tour la dégradation des forêts… Les incendies représentent actuellement 25 à 35% des émissions annuelles totales de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

«Les changements climatiques au cours des 30 dernières années ont déjà entraîné un doublement de la superficie moyenne des terres touchées par des saisons de feux prolongées et une augmentation de la fréquence des événements sur une grande partie de la planète», observe Mark Cochrane, professeur au Centre pour la science environnementale à l’Université du Maryland. «En clair, l’homme expose davantage la planète aux incendies de forêt de plus en plus extrêmes.»

2. Où se situent les pics de fièvre?

L’Enfer vert: l’Amazonie a rarement autant mérité son surnom, tant elle brûle entre le Brésil, le Paraguay et la Bolivie. La combinaison sécheresse – qui est moins forte que dans le passé – et déforestation a entraîné une hausse du nombre de départs de feux entre janvier et août de cette année, atteignant 80’000 le 25 août, presque le double de ce qui avait été recensé à la même période l’an passé. Rien qu’en juillet, plus de 2000 km² sont partis en fumée, contre 7500 km² en 2018.

A la saison sèche, qui court de juillet à novembre, la plupart des feux servent à nettoyer les zones déboisées, voire à fertiliser les sols. Ils s’en prennent à la végétation au pied des arbres. «Une forêt humide en pleine santé ne va pas brûler mais mourir lentement», éclaire Christian Kull, professeur à l’Université de Lausanne (Unil), spécialiste des feux de brousse.

« Ce qui est grave, c’est moins le feu en soi que les décisions et la politique »

Christian Kull

Après avoir été freinée par l’ex-président brésilien Lula entre 2005 et 2012, l’utilisation des feux est repartie de plus belle il y a cinq ans et Jair Bolsonaro n’a fait que souffler sur les braises, encourageant le défrichement illégal par brûlis. Le président actuel considère les arbres comme une marchandise à exploiter. Les feux permettent d’«ouvrir» la forêt tropicale à l’industrie agroalimentaire pour la production de viande et de soja. «Ce qui est grave, c’est moins le feu en soi que les décisions et politiques qui veulent remplacer la forêt par des champs et des pâturages», estime le professeur de l’Unil.

L’homme n’a en revanche aucun intérêt à brûler les forêts et la toundra en Sibérie. Ni à y éteindre des feux, à voir le peu d’empressement du président russe Vladimir Poutine pour lutter contre les incendies qui ravagent l’est du pays depuis mai. «Cette catastrophe est due à la défaillance du gouvernement», s’emporte Anton Beneslavskiy, expert des incendies à Greenpeace Russie. Près de 15 millions d’hectares sont déjà partis en fumée, près de quatre fois la Suisse. «Il reste encore une activité sur 1,3 million d’ha», précise le militant. «Les services forestiers combattent les feux les plus dangereux et contrôlent les autres.»

Ces incendies provoqués bien souvent par la foudre sont chroniques. «Cette année, comme en 2015, il y a une forte activité en raison des températures record de juin», relève Christian Kull. «Les forêts boréales se sont adaptées à un rythme de feu assez long, peut-être en raison du réchauffement climatique avec une plus longue période de sécheresse et de plus fortes chaleurs en été.» Un réchauffement alimenté par les tonnes de méthane – 28 fois plus puissant que le CO2 – libérées par les feux qui dégèlent le permafrost, la couche gelée du sol.

Si l’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Indonésie, Vietnam…) «rougit» sur la carte de la Nasa, il s’agit de cycles habituels. «Comme en Amazonie, une grande partie des feux sont liés à la conversion des forêts en terrains de culture ou plantation», relève l’expert de l’Unil.

3. En Afrique australe, c’est grave docteur?

Près de 70% de la superficie brûlée dans le monde se trouve en Afrique subsaharienne. Plus précisément, en Zambie, Angola, Tanzanie, République démocratique du Congo (RDC), mais aussi à Madagascar. Rien d’alarmant pour autant. «C’est une situation courante en cette période avec une zone à savanes à strates herbacées qui brûle ainsi chaque année», explique Christian Kull, qui vient de passer une semaine à Madagascar avec des écologistes africains. «La gestionnaire du parc Kruger nous a dit qu’elle mettait le feu à la savane pour maintenir une végétation herbacée pour les grands mammifères.»

Les feux de savane actuels servent à la bonne gestion des territoires, que ce soit pour les éleveurs, pour renouveler les pâturages, ou pour les responsables de la faune afin d’éviter l’embroussaillement et le risque de nouveau départs de feux. Dès octobre, ce sera la saison de la culture sur brûlis. L’Afrique australe n’est pas près de sortir du rouge sur la carte de la Nasa.

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