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Chronique d’Angleterre. Les traditions de l’Université d’Oxford

L’Université d’Oxford est l’une des plus prestigieuses du monde. Un de nos rédacteurs y étudie l’histoire et nous raconte les traditions de cette institution presque dix fois centenaire.


Noé Vonlanthen

Noé Vonlanthen

11 février 2024 à 23:20

Voilà plus d’un an que je suis monté dans le train qui m’a déposé dans cette petite ville anglaise qui rayonne autour du monde : Oxford avec ses clochers rêveurs et ses 39 collèges constitutifs. Au cours de cette année, j’ai eu l’occasion de découvrir ses traditions séculaires, presque millénaires pour certaines. Tout commence avant même notre arrivée, quand on reçoit une lettre de nos “parents”, deux élèves de deuxième année de notre collège qui se sont “mariés” lors de leur première année et qui seront nos guides une fois sur place. Le système ressemble au parrainage qui existe dans plusieurs universités suisses, mais le concept est poussé plus loin : en plus de parents, chaque élève a des frères et sœurs, des cousins et des grands-parents! Le système peut paraître étrange au premier abord, mais il est synonyme de soupers de familles, de cookies laissés devant les portes, de lettres d’encouragements dans les casiers et d’un soutien psychologique, qui aide vraiment à tenir le rythme souvent très intense de ces études.

 

Après avoir fait la connaissance de sa famille, à la fin de la première semaine, on participe à une cérémonie très solennelle durant laquelle on est officiellement inscrit au registre des étudiants de l’université. Il y a un dresscode précis, costume noir et blanc, nœud papillon et une cape spéciale portée lors de tous les événements officiels. La cérémonie est conduite en latin par la rectrice de l’université. Il y a quelque chose d’intemporel, un instant de flottement entre les époques. On se dit que Stephen Hawking, Oscar Wilde, J. R. R. Tolkien, Thomas Hobbes, ou encore Emma Watson qui a rejoint l’université cette année, tous se sont tenus là et ont entendu ces mots prononcés cérémonieusement. On se sent petit face au poids de l’histoire, mais aussi honoré de rejoindre cette institution et touché que l’on croie assez en nous pour inscrire notre nom sur ce grand volume qui a vu défiler les siècles.

 

La vie à Oxford est rythmée par les traditions. Tous les soirs, il y a un souper de type cantine à 18h et un souper formel à 19h. Si on choisit la deuxième option, on est transporté à Poudlard pour une soirée. Le hall est éclairé à la bougie, les professeurs mangent à la table haute et tout le monde est en costume ou en robe de soirée. Avant le début du repas, deux coups secs retentissent et tout le monde se lève pour l’arrivée des professeurs. Ensuite, un élève lit une prière, toujours la même, prononcée en latin depuis la fondation du collège en 1427. S’ensuit un ballet de majordomes et de plats à la lumière vacillante des bougies. Le tout, entrée-plat-dessert coûte moins de 8 francs pour les étudiants.

 

Il y a aussi des traditions plus étranges et mystérieuses, les sociétés secrètes par exemple. Il en existe des dizaines au sein de l’université, dans mon collège il y en aurait trois, dont deux seraient plus de centenaires. Quand j’essaie de me renseigner à leur sujet pour cet article, une personne bien informée me répond dans un français un peu hésitant “Désolé, je sais pas”. Cette culture du mystère est imprégnée dans mon collège, où a notamment étudié l’agent secret devenu romancier John le Carré et il a la réputation d’être un lieu privilégié de recrutement pour les services secrets britanniques.

 

Qui dit université dit aussi examens et ces derniers doivent eux aussi être passés en costume, nœud-papillon et cape. Chaque jour, les étudiants doivent accrocher sur leur poitrine un œillet. Pour le premier examen, la fleur est blanche, les jours suivants, elle doit être rose et le dernier jour, elle doit être rouge. L’origine de cette tradition n’est pas claire, mais elle ajoute vraiment quelque chose à la période des examens. Tous les habitants de la ville la connaissent et en route pour les examens, des inconnus m’ont chaque fois encouragé, surtout quand ils voient que la fleur est rouge !

 

Oxford est vraiment un monde à part, une bulle d’histoire ou le temps semble obéir à des constantes différentes. Les traditions y ont la vie dure mais elles apportent un charme indéniable à cette ville et à son université. Depuis le 11ème siècle, elles rythment la vie des étudiants et il y a quelque chose d’apaisant dans le fait de se dire que l’on suit ces traces, et que dans les siècles à venir d’autres en feront sûrement autant.

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