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Canton

«C’est difficile, humainement»

Renvoyée de Suisse à 68 ans, la Belge Marylène Verlaine doit quitter ses enfants et petits-enfants

«Je suis sous médication, sans quoi je pleurerais toute la journée», explique la ressortissante belge, qui doit quitter la Suisse après y avoir passé près de douze ans, par périodes.

 Stéphane Sanchez

Stéphane Sanchez

10 juin 2023 à 04:01

Enney » Marylène Verlaine, 68 ans, présentera aujourd’hui son annonce de sortie du pays à la douane, comme le lui a signifié le Service de la population et des migrants (SPoMi) dans sa décision de renvoi. La ressortissante belge quittera ainsi la Suisse, où elle a vécu durant presque douze ans. Elle laissera derrière elle ses trois grands enfants établis en terres fribourgeoises depuis plus de quinze ans, ainsi que ses huit petits-enfants, qu’elle gardait régulièrement. «Un recours ne servirait à rien: la décision de renvoi est justifiée, c’est la loi. Mais c’est contestable et difficile à supporter, humainement et moralement, pour moi comme pour ma famille. Je suis sous médication, sans quoi je pleurerais toute la journée», confie la retraitée, qui souhaite témoigner, et aussi avertir.

Comment en est-on arrivé là? Marylène Berwart Verlaine et son mari Albert Berwart se sont installés en Suisse en 2005. «Il n’y avait pas de travail en Belgique. J’avais des diplômes qui me permettaient de travailler dans la restauration. Mon mari était un bon peintre décorateur en bâtiment, aussi tapissier. Nous avons donc vite trouvé du travail, et nous nous sommes établis dans l’Intyamon. Nos quatre enfants nous ont suivis. Ils ont fait leur vie à Enney, au Bry et à Ecuvillens. Un seul est reparti de Suisse, depuis», explique la grand-mère, qui sert à l’époque dans divers établissements publics, à Bulle, à Gruyères, au Pâquier ou aux Sciernes, notamment. Elle obtient le permis C, comme son mari.

La voie de l’émancipation

En 2012, Albert Berwart prend sa retraite et le couple décide d’aller vivre en Espagne, renonçant ainsi au précieux permis de séjour suisse. «La vie en Espagne était bien moins chère qu’ici, où nous n’aurions pas pu joindre les deux bouts.» Mais son mari tombe gravement malade et décide, fin mars 2019, de venir revoir une dernière fois ses petits-enfants. Il meurt le 2 avril 2019 à l’HFR.

«Je ne voulais pas vivre toute seule en Espagne. Je ne suis même pas repartie là-bas», explique Marylène Verlaine. Elle ne peut subvenir à ses besoins en Suisse et n’exerce pas d’activité économique. Mais elle obtient un droit de séjour par le biais du regroupement familial ascendant. Sa fille est en effet prête à l’héberger et garantit son entretien, comme le veut la loi. Et l’un de ses fils prend le relais quelques mois plus tard.

«Pour moi, on ne peut pas s’immiscer comme cela dans le quotidien et l’intimité d’un jeune couple. Pas indéfiniment en tout cas», note l’intéressée, qui s’émancipe en janvier 2020. Elle prend un appartement à Enney, avec vue sur les Préalpes, et vit grâce à sa rente annuelle de 21 723 francs. «Mes enfants ont besoin de leur argent – les temps sont durs pour tout le monde. Moi, je n’ai pas besoin de beaucoup. Et il y a les associations caritatives, les sacs alimentaires, les invendus…»

Une demande de trop

Fin 2022, elle demande cependant les prestations complémentaires pour payer l’assurance-maladie et obtient 1011,90 fr. par mois de la caisse de compensation, dès le 1er janvier. Loi oblige, le SPoMi est informé. Il enquête et constate que Marylène Verlaine n’habite plus dans le logement familial et ne subvient pas à ses besoins. «C’est ce que je tenais à souligner: la caisse de compensation ne m’a pas signalé que le fait de bénéficier des prestations complémentaires m’exposait à un renvoi. Je ne suis certainement pas la seule dans ce cas, dit-elle. J’aurais dû travailler. Mais à 68 ans, je n’ai plus beaucoup de forces. C’est trop tard, maintenant.» Et surtout, son statut ne l’autorisait pas à exercer une activité lucrative.

Marylène Verlaine a reçu le 10 mai la décision de refus de renouvellement de son autorisation de séjour et de renvoi (assortie d’une taxe de 250 fr.). Elle a eu un mois pour s’organiser. «J’ai pu trouver un locataire de remplacement. J’ai vendu tout ce que j’ai pu. Je ne vais pas vivre ici en catimini et dans la peur. J’irai chez ma belle-sœur en Belgique. Mais je tiens à mon indépendance. Je finirai bien par trouver un appartement dans mes moyens à la frontière française. Pas trop loin de ma famille. Mais pas assez près non plus…»

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