L’Etat de Fribourg présente un bénéfice exceptionnel

Finances » Le Covid-19, la guerre en Ukraine ou encore la hausse des coûts de l’énergie n’ont pas eu d’impact sur les comptes 2022 de l’Etat de Fribourg. Le bénéfice est même supérieur aux attentes. Il s’élève à 192 millions de francs avant versements dans différents fonds. Au final, l’excédent de revenus se monte à 0,5 million.

Mercredi matin face à la presse, le ministre des finances Jean-Pierre Siggen s’est pourtant bien gardé de danser sur les tables de l’Hôtel cantonal. L’an dernier, Fribourg a reçu des montants conséquents de la Banque nationale suisse (150 millions) et de la péréquation financière fédérale (540 millions). Ces deux sources de revenus extérieures sont incertaines, rappelle le conseiller d’Etat. La BNS a ainsi déjà annoncé qu’elle ne versera rien cette année. La péréquation financière fédérale sera également moins généreuse pour Fribourg dans un futur proche.

Le Conseil d’Etat a ainsi décidé de mettre de côté une partie de son bénéfice dans des provisions ou des fonds destinés à atténuer les chocs à venir ou encore en faveur de l’HFR. 50 millions ont également été versés dans le fond d’infrastructure. «Nous devons compléter le préfinancement de grands projets», ajoute Jean-Pierre Siggen pour justifier la décision de ramener le bénéfice à 0,5 million de francs.

Dans le détail, les comptes de l’Etat présentent des charges plus lourdes que prévu, soit 4,5 milliards de francs (+15,8% par rapport au budget). La différence s’explique essentiellement par le coût des mesures transitoires et compensatoires en lien avec la réforme de la caisse de prévoyance du personnel de l’Etat. L’Etat-employeur a en effet versé sa contribution, précise Laurent Yerly, trésorier d’Etat. Pour le reste, la masse salariale est plutôt stable. Les charges de personnel s’élèvent à 1,4 milliard (+ 12 millions par rapport à 2021).

Au chapitre de la fiscalité, l’Etat a encaissé l’an dernier 1,4 milliard de francs, dont 977,5 millions proviennent des impôts directs sur les personnes physiques et 171 millions sur les personnes morales, soit 5,9% de plus qu’en 2021 (voir graphique). Jean-Pierre Siggen indique que l’impôt sur le bénéfice des personnes morales est proche des chiffres d’avant la pandémie et d’avant l’introduction de la nouvelle fiscalité des entreprises. «La pandémie a eu peu d’impact sur les revenus fiscaux. Ce phénomène est constaté dans tous les cantons», déclare-t-il.

Un autre chiffre ne devrait pas passer inaperçu: l’an dernier, l’Etat a investi 228,7 millions dans ses différents projets, contre 133,4 millions en 2021. «Je ne sais pas si nous pouvons qualifier ce montant d’historique mais ce qui l’est, c’est que contrairement à d’autres années où il y avait systématiquement un écart entre les prévisions et les réalisations, nous avons réellement dépensé le montant prévu au budget», mentionne Jean-Pierre Siggen. Il précise cependant qu’il y a aussi eu un effet de rattrapage après la crise sanitaire durant laquelle des chantiers ont été à l’arrêt, sans parler des ruptures d’approvisionnement en matériaux.

En raison des bons résultats enregistrés, la fortune nette de l’Etat de Fribourg augmente à 857,2 millions de francs. Entre 2015 et 2019, elle dépassait la barre du milliard. Elle a diminué en 2020 avec la réforme de la caisse de pension, avant de retrouver une courbe ascendante depuis 2021.

Jean-Pierre Siggen a également profité de la présentation des comptes 2022 pour faire le bilan de l’impact financier des crises sanitaire, géopolitique et énergétique. Entre 2020 et 2022, un montant total de 334,3 millions a été alloué pour des mesures d’aide à l’économie, le plan de relance et les coûts liés à la pandémie, dont 70,6 millions l’an dernier. «Notre politique financière prudente nous a permis d’assumer cette crise sans péjorer les finances cantonales», constate le conseiller d’Etat.

L’an dernier, la Suisse a aussi accueilli des réfugiés en provenance d’Ukraine. L’aide sociale qui leur a été allouée s’élève à 23,6 millions, la scolarisation des enfants à 2,3 millions. 400 000 francs ont été dépensés pour des soins ou en faveur de l’intégration.

Le conflit en Ukraine entraîne également une crise énergétique. Mais l’Etat de Fribourg a pu contenir sa facture par diverses mesures, dont une limitation de la température à 19 degrés ou encore la réduction de l’éclairage des bâtiments. «Ce n’est pas seulement en mettant des pulls que nous avons pu compenser les surcoûts», déclare Jean-Pierre Siggen. Au final, le surcoût s’élève à 650 000 francs entre la hausse du prix de l’électricité et le remplissage préventif des citernes à mazout, détaille Laurent Yerly.

«La visibilité est faible et les scénarios ne sont pas des plus réjouissants», admet Jean-Pierre Siggen au moment d’évoquer l’avenir. Forts risques de fluctuation des revenus externes, évolution de la situation géopolitique, économique et climatique, pression migratoire, adaptation des structures au vieillissement de la population: pour Jean-Pierre Siggen, l’heure n’est plus aux baisses d’impôts. «Ne nous pénalisons pas nous-mêmes», lâche-t-il.