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Robin Corminbœuf signe un huis clos étouffant dans la Broye

Robin Corminbœuf publie son premier livre, Un été à M. chez Paulette Editrice. Portrait

Robin Corminbœuf est le rédacteur en chef du magazine romand queer 360°. © Jean-Baptiste Morel
Robin Corminbœuf est le rédacteur en chef du magazine romand queer 360°. © Jean-Baptiste Morel

Natasha Hathaway

Publié le 23.06.2023

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Broye » L’intrigue se passe à M., le livre est dédicacé à son père et à K. Assis à la table de sa salle à manger lausannoise, Robin Corminbœuf sourit: «Tout est dit à travers ces deux lettres. Il s’agit avant tout d’une histoire universelle, mêlant des éléments biographiques et fictionnels. Ce que j’y raconte se déroule dans la Broye, mais le récit pourrait être transporté au nord de la France, en Italie ou ailleurs.»

La rédaction des 90 pages de son premier roman, Un été à M., lui a pris cinq ans. Il a été récemment publié chez Paulette Editrice dans la collection Grattaculs consacrée aux écrits LGBTQIA+. Une autofiction sous forme de huis clos. En toile de fond, la campagne broyarde, la culture du tabac et la chaleur estivale suffocante. Un adolescent de 17 ans partage ses vacances entre l’exploitation agricole de ses parents et un emploi dans une station-service. Une routine bouleversée par sa rencontre avec un garçon sur internet qui va se transformer en une passion clandestine où désirs et conventions s’affrontent. Autant de micro-histoires rapportées avec une grande sensibilité dépeignant la réalité sociale de ce milieu avec force.

M comme Ménières

Une réalité que l’auteur a côtoyée puisqu’il est lui-même un enfant de la Broye. C’est sur l’exploitation familiale à Ménières que Robin Corminbœuf a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans, avant de partir faire un apprentissage à Lausanne. «J’ai des souvenirs très forts de ma jeunesse dans cette région. J’y retourne principalement pour voir ma famille, mais je n’éprouve aucune rancœur.»

«Je voulais avoir le regard de mon père sur ce monde, son expertise.»
Robin Corminbœuf

Un milieu bien éloigné de sa vie actuelle. Il est depuis 2022 le rédacteur en chef de 360°, seul mensuel queer de Suisse romande. Pas de ferme ici donc, mais un appartement rénové où le vintage cotoie le contemporain dans un style qui doit beaucoup à son premier métier de décorateur d’intérieur. Les lignes sont épurées, l’atmosphère boisée, égayée par des plantes, invite à s’attarder. Un appartement qui fait écho à la personnalité de son propriétaire qui y vit avec son mari. Le regard est simple et franc, le discours sans ambages.

Pour rédiger ce roman qu’il décrit comme «un hommage à l’agriculture», il a passé de nombreuses heures à interviewer son père. «Je voulais avoir son regard sur ce monde, son expertise.» Un monde examiné par l’auteur à travers le prisme de la sociologie: il est diplômé d’un bachelor en sciences politiques et sociales de l’Université de Lausanne et d’un master de la prestigieuse London School of Economics, en Grande-Bretagne. «Ce récit est aussi un travail de mémoire sur l’histoire économique de la région, notamment les générations d’ouvriers étrangers qui se sont succédé et l’empreinte que leur passage a laissée.»

Intime et fiction

Si l’auteur a souvent utilisé l’écriture comme moyen de digérer des événements clés dans sa vie, il n’ambitionnait pas de publier un livre. Il acquiert une forme de reconnaissance académique par le biais du Prix littéraire de la Sorge, décerné par l’Université de Lausanne pour l’une de ses nouvelles en 2018. Puis, lors d’un échange avec une professeure en Angleterre, il comprend la richesse que renferment toutes ces histoires qui jalonnent son passé à Ménières.

«En relisant certains échanges sur les réseaux sociaux entre moi et celui ayant inspiré le personnage de K., avant son décès, j’ai eu le sentiment d’être face à un récit singulier qui méritait d’être raconté», explique-t-il. Des éléments autobiographiques, tels que la figure du père, composent l’essentiel de la première version du roman. «J’ai ajouté les éléments fictionnels après coup, mais la frontière entre les deux est très fine.»

Inspiré par l’auteur Edouard Louis et son roman En finir avec Eddy Bellegueule ou encore par l’œuvre La chambre de Giovanni de James Baldwin, il espère offrir un roman «qui va au-delà des clichés». Quant à un prochain livre? Rien de concret pour le moment, «écrire est un travail astreignant et émotionnellement éprouvant».

» Séance de dédicace, Payot Fribourg, demain de 14h à 15h30

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