La Liberté

Un apôtre orange pour le climat

Epinglé pour ses nombreux mandats, Beat Vonlanthen montre son action contre le réchauffement

«Je ne suis pas un lobbyiste», se défend Beat Vonlanthen quand on évoque ses multiples mandats. © Alain Wicht
«Je ne suis pas un lobbyiste», se défend Beat Vonlanthen quand on évoque ses multiples mandats. © Alain Wicht

Philippe Castella

Publié le 01.11.2019

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Portrait » Dans sa richesse en vocabulaire, l’allemand a un terme spécifique pour cela: «Pöstchenjäger», littéralement le chasseur de petits postes. C’est ainsi que les Alémaniques qualifient les collectionneurs de mandats. C’est le principal reproche que journalistes et parlementaires avancent quand on leur parle de Beat Vonlanthen. Il a pu peser dans le résultat mitigé du premier tour de l’élection au Conseil des Etats.

Ce reproche, le démocrate-chrétien le balaie pourtant d’un revers de main: «Un parlementaire ne doit pas être hors-sol. Il doit être ancré dans la société et l’économie.» Au-delà de leur nombre, c’est surtout l’hétérogénéité de ses mandats qui surprend. Lui les relie toutefois à l’économie fribourgeoise. C’est évident pour le Groupe E dont il est vice-président. Pour Chocosuisse, il invoque la présence de Chocolat Villars à Fribourg et de Cailler à Broc. Il rappelle l’importance du secteur de la construction dans le canton pour justifier sa présidence de Cemsuisse, l’industrie du ciment.

«Un parlementaire doit être ancré dans la société et l’économie»

Quant au Groupement suisse pour les pompes à chaleur, il s’inscrit dans la continuité de son action comme ancien ministre cantonal de l’énergie et ancien président de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie. Enfin, il relie la présidence des casinos à son engagement en commission en faveur de la nouvelle loi sur les jeux d’argent, qui devrait permettre de ramener 250 millions de francs que les Suisses dépensent dans des casinos en ligne à l’étranger.

Et combien lui rapportent ces différents mandats? «C’est une rémunération limitée. Ce ne sont pas des conseils d’administration qui rapportent beaucoup.» Il se défend aussi d’avoir là un fil à la patte: «Je ne suis pas un lobbyiste. Je ne défends pas ces branches dans ma politique. Dans mon engagement en faveur de la révision de la loi sur le CO2 par exemple, l’hebdomadaire alémanique Die Weltwoche m’a même reproché d’aller à l’encontre des intérêts des cimentiers.»

«Je ne suis pas un lobbyiste»

Le Singinois peut d’ailleurs se targuer sans rougir de son action en faveur du climat. Lui qui avait échoué à bannir sur le plan cantonal les chauffages électriques (refus populaire en 2012) a contribué à façonner la révision de la loi sur le CO2 votée en septembre par le Conseil des Etats: «J’ai été l’un des architectes de ce projet qui a introduit des mesures assez ambitieuses, tout en me battant pour que les régions périphériques ne soient pas prétéritées.» Il aurait même souhaité aller plus loin en portant la part des réductions d’émissions de CO2 à réaliser en Suisse d’ici à 2030 de 60% à 80%. Il y voyait un moyen de stimuler l’innovation, mais a été battu sur ce point.

Nombreuses interventions

Au contraire d’un Christian Levrat qui n’a déposé qu’une seule motion durant la législature qui s’achève, Beat Vonlanthen s’est montré le sénateur le plus actif avec 36 interventions déposées, très loin toutefois encore des «recordmen» au Conseil national qui dépassent allègrement les 100 interventions. «Je ne veux pas seulement être un observateur», justifie-t-il.

Ses principaux champs d’action, outre la transition énergétique, sont la compétitivité économique, la digitalisation, la promotion de la formation, de la recherche et de l’innovation, ainsi que la politique des médias. Parmi ses succès, on peut mettre en exergue sa motion acceptée par les deux Chambres visant à soumettre les grandes plateformes de vente en ligne à la TVA. «Il s’agit de créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises suisses, et cela devrait rapporter une centaine de millions de francs en recettes par an à la Confédération», explique-t-il.

Avec la délégation fribourgeoise à Berne, il a participé à la défense des intérêts cantonaux. Avec ses succès, et en particulier la concentration de la recherche agricole à l’Agroscope de Posieux, qui devrait amener 450 nouveaux emplois. Et aussi ses déconvenues, comme la perte du mandat en faveur de la redevance radio-TV pour Billag ou encore la perte pour Fribourg de 150 millions de francs jusqu’en 2025 dans la péréquation intercantonale.

A noter là un probable succès qui porte plus spécialement sa patte: malgré la perte d’un mandat de 4 millions sur quatre ans pour la Confédération, l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg devrait retrouver ses billes.

L’ombre d’Urs Schwaller

Le démocrate-chrétien souffre de l’ombre projetée par son prédécesseur à la Chambre des cantons, même s’il s’en défend: «On ne peut pas me comparer à Urs Schwaller, qui était chef du groupe PDC. Je joue mon rôle avec ma personnalité, mon réseau et mes propres priorités.» Doté d’un bon réseau au sein de l’administration et des cantons, il joue sa carte à fond, avec un engagement que tout le monde lui reconnaît, même s’il manque parfois de clairvoyance, comme lorsqu’il contribue en juin à prolonger un débat sur la SSR en fin de soirée avant de retirer son initiative, suscitant l’énervement de ses pairs…

«Je ne veux pas seulement être un observateur»

Pour sa première législature, il a su se faire une place au Conseil des Etats. Le très gros renouvellement que cette Chambre va subir, avec notamment au PDC le départ du poids lourd Konrad Graber, devrait lui permettre de gagner en influence. Mais pour cela, il faut d’abord qu’il batte sa rivale libérale-radicale Johanna Gapany au second tour, malgré une dynamique électorale très favorable aux femmes et aux jeunes.


Bio express

1957

Naissance à Niedermuhren, en Singine, dans une famille paysanne.

1986

Après son doctorat en droit, il travaille dans l’Administration fédérale, où il finit comme vice-directeur du Secrétariat d’Etat à la science et à la recherche.

1995

Election au Grand Conseil sous l’étiquette PDC.

2004

Election au Conseil d’Etat, où il succède à Urs Schwaller. D’abord chef de l’Aménagement, puis de l’Economie.

2015

Election au Conseil des Etats, où il succède encore à Urs Schwaller.

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