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Vaud

Pas de réhabilitation du major Davel

La désobéissance civile fait peur au Grand Conseil, 300 ans après la décapitation du révolutionnaire


 Raphaël Besson

Raphaël Besson

25 janvier 2023 à 02:01

Parlement » Hier, 24 janvier, jour de l’Indépendance du canton de Vaud, le Grand Conseil n’a pas voulu débattre d’une éventuelle réhabilitation du major Davel dont on célèbre cette année le 300e anniversaire de la mort. La motion du vert Raphaël Mahaim, aujourd’hui conseiller national, a tout simplement été retirée après une brève présentation des enjeux. Pour la majorité de la commission, la question de la désobéissance civile se profilait derrière ce texte proposé par un député, par ailleurs membre d’Avocat pour le climat.

Dans sa motion, Raphaël Mahaim souligne que le tricentenaire de la mort du major Davel apparaît comme «une occasion unique de faire un travail historiographique complet sur cette figure historique vaudoise». Confiée à une commission, cette tâche enrichirait «la mémoire collective», avec dans la foulée «une réhabilitation solennelle du major». Lors des discussions en commission, l’élu écologiste a fait savoir qu’il jugeait que les autorités devaient «s’emparer» de ce moment particulier pour en faire «un acte officiel, voire solennel».

Séparation des pouvoirs

Lors de la présentation de la motion devant le plénum, le rapporteur de commission, Nicolas Suter (plr), a rappelé que ce n’était pas la première demande de réhabilitation, mais qu’aucune n’avait abouti en raison de la complexité du sujet.

La majorité de la commission voit dans cette motion «une charge contre la séparation des pouvoirs puisque la révision des procès relève de la justice et pas de la politique». Pour mémoire, une requête a été adressée en 1998 au Tribunal cantonal par des descendants de Davel. Le tribunal n’a pas jugé l’affaire parce qu’il a considéré qu’il ne restait plus de dommages résultant de la condamnation du major.

Si la voie juridique est épuisée, la voie politique est à haut risque, selon Nicolas Suter. Elle créerait un précédent avec la tentation de demander au Grand Conseil de l’étendre à d’autres victimes de l’histoire, par exemple les sorcières ou les producteurs d’absinthe. De plus, outre la question du révisionnisme, «cette motion aborde de manière pas tout à fait naïve, vu son auteur, la question de la désobéissance civile. Si l’on réhabilite le major Davel (décapité en 1723 pour sa rébellion contre les Bernois, alors maîtres du pays de Vaud, ndlr), on ouvre la porte aujourd’hui à des personnes qui s’opposent aux autorités et aux lois au nom de leurs principes. La désobéissance civile est en filigrane de cette motion», a affirmé Nicolas Suter.

Dans ce contexte, la majorité de la commission (5 voix contre, 1 pour, aucune d’abstention) entend laisser «le soin aux historiens d’examiner une éventuelle réhabilitation, sans que le parlement s’improvise juge et historien, ce qui n’est pas son rôle».

Au nom de Raphaël Mahaim, son collègue de parti Felix Stürner a brièvement répondu en déplorant la discrétion politique du Conseil d’Etat sur le message politique à l’égard du major Davel. «Loin d’une récupération ou d’une instrumentalisation de la figure du major», le motionnaire relève l’universalité de l’acte et demande de reconnaître une exemplarité dans un engagement citoyen.

Oser un regard critique

Selon Felix Stürner, Raphaël Mahaim ne cherche pas à réécrire l’histoire au détriment de la vérité factuelle, mais aimerait réévaluer un acte hautement politique que l’autorité politique du moment a sanctionné par la mise à mort d’un individu considéré comme séditieux. Accepter la motion serait une manière élégante de prouver que le pouvoir politique apporte un regard critique sur les agissements de ses prédécesseurs, a relevé le député vert.

Comme plus personne n’a voulu débattre, Felix Stürner a retiré l’objet. Interrogé par nos soins, il a expliqué qu’une partie de la motion recevait une réponse positive avec l’annonce de prochains débats d’historiens, mais a déploré que le Grand Conseil ne veuille pas s’engager.

A noter que l’ordre du jour de la séance comprenait aussi un postulat demandant la révocation du titre de docteur honoris causa décerné à l’époque par l’Université de Lausanne à Benito Mussolini. Un point reporté faute de temps.

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