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Les défis sportifs

De l’Angola au Grand-Nord canadien

Victor Hugo Docarmo a bravé les –60 degrés du Yukon Arctic Ultra 2020, le trail le plus froid au monde


Pascal Dupasquier

Pascal Dupasquier

15 juillet 2020 à 20:10

Ultra-trail » «Je suis venu au monde dans un pays où il fait 40 degrés à l’ombre et je me retrouve dans une course avec des températures de –55 degrés.» Victor Hugo Docarmo rigole derrière son petit bouc poivre et sel. «Je suis né en Angola et, avant l’âge de dix ans, j’avais connu trois continents: l’Afrique, l’Amérique du Sud avec le Brésil d’où ma mère est originaire, et l’Europe où nous nous sommes installés dans les années 1980.»

 

Aujourd’hui ancré sur les hauts de Lausanne, Victor Hugo Docarmo est un roman d’aventures à lui tout seul. Passionnant, passionné, captivant. Victor Hugo Docarmo? Un homme à l’esprit aussi vif que le physique est affûté. Pas étonnant, si l’on sait que ce technicien-dentiste de 48 ans s’est élancé, le 30 janvier dernier, sur la «300 miles race» du Yukon Arctic Ultra, l’ultra-trail décrit comme le plus froid au monde. «On dit que l’extrême a un côté mystérieux. Personnellement, je n’ai jamais trouvé quelle est la limite de l’extrême, jusqu’où on peut aller», réfléchit Victor Hugo Docarmo en ajoutant: «Il y a un côté sombre dans l’extrême, au moment où tu perds la notion de pourquoi tu es là.»

«Very bad trip»

Le Yukon Arctic Ultra? Une idée de «barjots», comme il le dit, germée au cours d’une nuit de «décompression» à Las Vegas en compagnie des Vaudois Patrick Sumi et Hervé Acosta, alter ego avec lesquels il venait de s’offrir une «balade» de six jours et 273 km dans le Grand Canyon et la chaleur de l’Utah, un autre défi «ultra-trailesque» de barjots. «Après deux ou trois bières, on s’est dit: «Pourquoi ne pas tester d’autres conditions et aller dans le froid.» C’est là qu’on a décidé de partir pour le Yukon, sans trop savoir où ça se trouvait», sourit Victor Hugo Docarmo.

De là à affirmer que cette nuit à Vegas a débouché sur un «very bad trip», il y a un pas que le Vaudois d’adoption a pratiquement franchi. S’élancer de White Horse, la capitale du Yukon, pour rejoindre Pelly Crossing 482 km plus au nord en une seule étape et avec son matériel de survie à traîner sur une pulka (une luge-traîneau, ndlr) de 20 kilos: si ce n’est pas un «very bad trip», cela y ressemble à s’y méprendre. Mais attention, à la mode Victor Hugo Docarmo: préparé avec le souci du moindre détail. Avec, aussi, un entraînement de six jours sur sept à longueur d’année.

«En partant de Whitehorse, il faisait –5 degrés. Deux jours après, au checkpoint des 160 km, il faisait –35 degrés et on nous annonçait des températures extrêmes pouvant descendre jusqu’à –55 degrés.»

«Il y a un côté sombre dans l’extrême, au moment où tu perds la notion de pourquoi tu es là»

Victor Hugo Docarmo

Ses deux compagnons décident de s’arrêter. Victor Hugo, lui, poursuit l’aventure. «Avec le froid, la pulka ne glissait pas. J’ai mis 28 heures et deux nuits sans dormir pour faire 70 km à travers un lac gelé de la longueur du Léman.» A part deux loups, il ne croise personne. «Je n’ai pas de téléphone, pas de radio, juste une balise de survie et mon thermomètre est cassé. A ce moment extrême, je n’ai pas le temps de penser à la peur. Je dois penser à deux choses: survivre et avancer; avancer et survivre.»

Victor Hugo Docarmo n’est pas arrivé au bout des 300 miles. Avec des températures estimées à –60 degrés sur le lac, il est victime d’un début de gelures aux pouces. Son aventure s’achève au prochain point de contrôle médical, à une centaine de kilomètres du but. «Il n’y a aucune autre compétition que je n’ai pas terminée et je compte bien revenir», dit-il avant de promettre: «Pas pour la course des 482 km, mais pour celle des 800 km qui a lieu tous les deux ans.» Quand on vous disait que Victor Hugo Docarmo est un roman d’aventures à lui tout seul.

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