La Liberté

Premier sacre pour Genève-Servette

Le titre de champion de Suisse remporté hier soir par les Genevois est le fruit d’un énorme travail

Publié le 28.04.2023

Temps de lecture estimé : 7 minutes

National League » Genève-Servette est sacré champion de Suisse pour la première fois! Aux Vernets, les Aigles ont dominé Bienne (4-1) lors du septième acte de la finale de National League pour remporter cette série 4-3. La «malédiction romande» a donc officiellement pris fin en ce jeudi 27 avril 2023. Quarante ans qu’un club de l’ouest du pays n’avait plus brandi le trophée de champion. Bienne l’avait fait pour la dernière fois en 1983, La Chaux-de-Fonds dix ans avant, à une époque où les play-off n’existaient pas.

Pour le GSHC, cette consécration après 118 ans d’existence est amplement méritée. Les «grenat» ont terminé la saison régulière à la première place (101 points, à égalité avec Bienne) en proposant un hockey attrayant grâce notamment à l’impact de leurs six joueurs étrangers. Après avoir bataillé en quarts de finale contre Lugano (4-2), les Genevois ont éliminé le double tenant du titre Zoug en cinq matches.

Fructifier un patrimoine

Ce sacre intervient alors que l’ère Chris McSorley (2001-2020) a pris fin. Sous la houlette du coach ontarien, les «grenat» avaient atteint la finale en 2008 et 2010. Ils avaient alors été battus par Zurich et par Berne. Puis lors de l’après-Covid, en 2021, les Genevois avaient perdu face à Zoug 3-0 avec Pat Emond à la barre, mais toujours avec un effectif imaginé par «CMS».

Engagé comme directeur technique en 2020, Marc Gautschi a su faire fructifier ce patrimoine laissé par l’omnipotent Canadien. En recrutant des pointures comme Sami Vatanen ou Teemu Hartikainen, le Bernois de 40 ans a visé juste. Autre réussite du manager, l’engagement de Jan Cadieux en lieu et place de Pat Emond le 10 novembre 2021. Car ce succès porte aussi la marque de Jan Cadieux. Hormis les pré-play-off de la saison passée, son équipe affiche un taux de victoires impressionnant. Il a ainsi mené son équipe à la victoire dans 67 de ses 101 parties à la bande.

Ce titre permet aussi au fils de Paul-André de «venger» son père. A l’époque du Gottéron de Bykov et Khomutov, «PAC» avait perdu trois finales consécutives entre 1992 et 1994. En tant que joueur, Jan Cadieux a certes vécu un titre avec Lugano en 2003, mais il s’est incliné à quatre reprises (2001, 2008, 2010 et 2013). Après Arno Del Curto (six fois avec Davos) et Lars Leuneberger (avec Berne en 2016), Jan Cadieux est seulement le troisième coach né en Suisse à remporter le titre.

Deux gardiens suisses

Equipe plutôt «vieillissante», Genève-Servette a parfaitement profité de la fenêtre qui s’offrait à lui. C’était un peu «l’année ou jamais» pour les «grenat» avec des vétérans tels que Valtteri Filppula (39 ans), Daniel Winnik (38 ans), Marc-Antoine Pouliot (37 ans) ou encore Linus Omark (36 ans). Et au-delà de l’âge, on sait aussi que certains étrangers vont quitter le club à l’image de Henrik Tömmernes qui aura été durant des années le meilleur défenseur de National League et qui rentre en Suède (Färjestad) avec un titre.

Mention aussi au contingent suisse et en particulier au portier Robert Mayer. Quand plusieurs clubs, à l’image de Bienne, ont choisi de miser sur un portier étranger, Genève a pris le pari d’un duo suisse avec Gauthier Descloux et Robert Mayer. Si c’est le Fribourgeois qui a commencé les play-off dans la peau du titulaire, il a dû céder le filet à son coéquipier dès l’acte IV des quarts de finale contre Lugano. Malgré son jeu à haut risque, le portier aux racines tchèques a su se rendre indispensable. Brillant en finale, il a su maintenir sa formation dans le match à chaque duel. Parti de Genève pour Davos en 2020, puis parqué à Langnau la saison suivante, Robert Mayer a parfaitement su rebondir. ats

Ge-Servette - Bienne 4-1 (2-0 1-1 1-0)


COMMENTAIRE

L’heure de gloire du GSHC et de la Fondation 1890

Ce n’était plus arrivé depuis 1973 et le sixième titre d’affilée de La Chaux-de-Fonds, à considérer que Bienne, sacré dix ans plus tard, n’est pas 100% romand. Au terme d’une saison parfaite et emballante, Genève-Servette a mis fin à un demi-siècle de domination alémanique (33 victoires), grisonne (10) et tessinoise (7).

N’en déplaise à bon nombre de Fribourgeois, leur meilleur ennemi est parvenu à briser le plafond de verre qui sépare les Romands de Zurich, Zoug, Berne, Lugano et Davos avant Gottéron, battu en finale à quatre reprises. La quatrième tentative, elle, aura été la bonne pour le pensionnaire des Vernets. Une patinoire d’un autre temps, qui, sans de solides structures derrière, n’aurait pas pu connaître l’ivresse du champion. Pas en 2023.

Là où Berne s’est longtemps appuyé sur la plus grande affluence d’Europe et un secteur gastronomique à la pointe, là où Davos faisait la différence avec ses recettes de la Coupe Spengler, là où Lugano a été «il grande» grâce à la famille Mantegazza, là où Zurich s’en remet à son mécène Walter Frey pour arracher les meilleurs joueurs du pays, là où Zoug est devenu une très bonne adresse en se dotant d’un centre ultramoderne financé par son président milliardaire Hans-Peter Strebel, Genève, lui, a la Fondation 1890.

Cette dernière, également propriétaire des équipes de football (masculine et féminine) ainsi que de rugby, est venue à la rescousse du hockey en 2018. Alors, l’idée d’un dépôt de bilan était évoquée… Cinq ans plus tard, le GSHC touche au Graal. En arrière-fond de cette revitalisation express se cache un géant: Rolex. Discrète, l’entreprise de montres de luxe a créé, via sa fondation, une structure globale (Genève Sports SA) et a généreusement investi pour remettre la Cité de Calvin sur la carte du sport helvétique. Un projet transversal qui ne plaît pas à tous ses acteurs: en coulisses, les démissions se sont succédé.

Voyant en la demi-mue de la National League (augmentation du nombre de joueurs étrangers sans l’instauration d’un plafond salarial) une fenêtre peut-être unique, le club grenat a mis le paquet. De quoi compenser la vétusté des Vernets à l’heure où la qualité des infrastructures est souvent décisive au moment des négociations.

Réduire le sacre des Aigles au seul apport de la Fondation 1890 reviendrait toutefois à oublier l’héritage laissé par Chris McSorley et à minimiser le formidable travail abattu par le perfectionniste Jan Cadieux à la bande. N’en déplaise à bon nombre de Fribourgeois, Genève-Servette est un beau champion. Pierre Schouwey


Noah Rod aux anges

Noah Rod, capitaine de Genève-Servette, était aux anges après avoir remporté le titre de champion de Suisse: «C’est un des plus beaux jours de ma vie. Les gars l’ont tellement mérité. Cela fait dix ans que je me bats tous les jours pour amener cette coupe dans cette ville. L’occasion était belle cette année, mais on savait que ça n’allait pas être facile. On a tous fait un gros travail cette saison, ça fait du bien. Tous les fans ont été incroyables dans ces play-off. Cela fait particulièrement plaisir, car ça ferme la bouche à pas mal de monde: les Romands peuvent gagner, on l’a prouvé, j’espère que ça va continuer.» ats

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