Francis Piccand
10 octobre 2023 à 19:35
Pour comprendre les dérives autoritaires d’aujourd’hui, il faut relire l’œuvre d’Orwell, en particulier 1984 et La ferme des animaux. Il y décrit les régressions multiformes de la liberté, en s’appuyant sur tous les «ismes» (fascisme, nazisme, communisme) dont il a été témoin. Constat sans appel: la déconstruction de la réalité par les élites au pouvoir, leur usage systématique du mensonge et de la corruption, leur réécriture de l’histoire, leur répression de toute dissidence et, surtout, leur volonté de contrôler les esprits pour les asservir et les exploiter, toutes ces pratiques, lorsqu’elles sont systématiquement mises en œuvre, mènent aux pires excès. Orwell nous met en garde contre ce fléau qu’est l’inhumanité! En vain, l’autocratie trouve toujours ses émules, jusque dans les rangs des pays occidentaux.
A la tête de la plus puissante d’entre elles, il y a eu un Donald Trump qui, béat d’admiration devant les dictateurs de son temps (d’Erdogan à Xi Jinping), a pratiqué l’art de la manipulation et du mensonge. La diplomatie agressive d’un Vladimir Poutine et ses méthodes criminelles manifestées notamment lors de l’invasion russe en Ukraine ont aussi trouvé leurs émules un peu partout, soudoyés ou convaincus par l’idéologie du Kremlin. Et à l’heure où la Chine s’affirme comme une superpuissance, en récusant formellement toutes les valeurs de la démocratie occidentale (ne mène-t-elle pas un génocide systématique contre sa population ouïgoure?), nous sommes probablement entrés dans un cycle historique qui annonce la disparition de la démocratie.
La tentation autocrate gagne du terrain, surtout chez les jeunes. C’est ce que révèle une récente enquête de l’ONG Open Society Foundations dans une trentaine de pays. Elle montre que 57% des moins de 36 ans soutiennent la démocratie, tandis qu’une grande majorité (71%) des 56 ans et plus continue de croire à ce modèle. Cet important fossé intergénérationnel est inquiétant, révélateur d’une jeunesse désabusée qui, ayant vécu moult périodes de crises déstabilisantes durant ces dernières décennies, n’a plus foi en des régimes démocratiques dont elle estime avoir été le bouc émissaire.
La démocratie est malade et, avec elle, la confiance envers les institutions s’affaiblit. Cette situation fournit un terrain fertile aux dirigeants populistes des cinq continents, sans beaucoup d’exceptions, qui en profitent pour rejeter toute la faute sur les défauts du libéralisme ainsi que sur les droits de l’homme. Platon aurait-il raison de prétendre que la démocratie n’est pas la solution à un monde meilleur et que finalement, elle n’est que «la dictature de l’ignorance»? Les exigences en matière de droits de l’homme et d’égalité, de réduction de la corruption, d’actions concrètes sur la prévention des conflits armés ou sur les changements climatiques méritent pourtant des actions concertées, dans le cadre d’un contrat social fondé sur des délibérations inclusives à tous les niveaux de la société. Et seule la démocratie peut répondre à ce défi. Tel est le message que nous a laissé l’œuvre d’Orwell.
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