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Canton

Randonner sans se faire charger

Le nombre de marcheurs augmente et avec lui le risque d’accidents avec les animaux de pâturage

Le taureau est un animal docile qu’il n’est pas rare de croiser dans les alpages, selon Frédéric Ménétrey.

 Julie Rudaz

Julie Rudaz

29 juillet 2023 à 04:01

Alpages » La balade de huit randonneurs dans un alpage gruérien a bien failli se terminer de la pire des manières. Alors qu’ils évoluaient sur un sentier traversant un pâturage, deux des membres de ce groupe, un homme et son jeune fils, se sont retrouvés nez à nez avec un taureau peu commode.

Réagissant aux cris d’alerte des autres marcheurs, l’animal s’est alors dirigé vers eux. «Ce taureau massif et hargneux était à une dizaine de mètres de nous et s’approchait rapidement», témoigne une des victimes. «Nous avons couru nous abriter derrière un rocher. Dans la fuite, deux personnes ont chuté et ont pu être précipitamment tirées à l’abri.» Par chance, aucun blessé n’est à déplorer à l’issue de cet incident. «Mais à quelques secondes près, ces deux personnes auraient été piétinées et, vu la carrure du taureau, probablement tuées», estime le randonneur.

Les événements s’étant déroulés à proximité d’une buvette, plusieurs témoins y ont assisté. Le garde génisses a ainsi pu rapidement être prévenu et s’est rendu sur les lieux pour rentrer ses bêtes.

Pas de mise en garde

Interpellée sur le sujet par un des randonneurs, la Préfecture de la Gruyère a procédé à une instruction. «Nous avons eu un contact avec le propriétaire de l’animal. Il a d’ores et déjà pris les mesures nécessaires et retire désormais le taureau du pâturage durant la journée», détaille Fabien Schafer, lieutenant de préfet, pour qui cet incident est un «cas isolé». «La commune concernée a également été prévenue, tout comme le service des affaires vétérinaires et celui pour la prévention des accidents dans l’agriculture», ajoute-t-il.

Plutôt habitué aux sentiers de randonnée, notre témoin déplore en particulier l’absence de mise en garde à l’entrée du pâturage. «Si nous avions été avertis du danger, nous aurions pu décider de contourner ce secteur», analyse-t-il. Bien que la pose de panneaux indiquant la présence d’animaux ne relève pas d’une obligation légale, elle fait partie d’une routine des propriétaires qui ont un devoir de diligence. Selon le Code des obligations, ces derniers sont en principe toujours responsables des dommages causés par leurs bêtes.

«Limiter les risques»

«L’objectif des éleveurs est de limiter les risques et que la cohabitation se passe bien avec les marcheurs», explique Frédéric Ménétrey, secrétaire de la Société fribourgeoise d’économie alpestre et directeur de la Chambre d’agriculture. Dans ce but, le Service pour la prévention des accidents dans l’agriculture (SPAA) édite un guide et une liste de contrôle pour permettre aux propriétaires de bovins d’évaluer la situation et de mettre en place les mesures qui s’imposent. Ce document rappelle également que le libre accès du public aux forêts et pâturages est inscrit au Code civil. Une proximité entre troupeaux et randonneurs est donc inévitable.

Mais un taureau a-t-il pour autant sa place dans un pré traversé par un sentier? «C’est un animal plutôt docile, et il est courant d’en voir dans les pâturages», répond Frédéric Ménétrey. Selon lui, si un bovin présente un caractère belliqueux, son propriétaire ne se risquera pas à le sortir ou à le mettre à l’alpage. «A moins d’une période de chaleur, un taureau n’est pas plus dangereux qu’une vache et ce n’est en tout cas pas lui le chef», ajoute-t-il. Au sein du troupeau – une structure matriarcale –, le mâle se cantonne en effet à son rôle de reproducteur.

«Toutefois, un taureau peut ne pas être habitué à la présence d’un groupe de personnes. Il peut être surpris, voire se sentir menacé», analyse Frédéric Ménétrey, qui rappelle que les bovins sont naturellement des proies et non des prédateurs. «Ils ont plutôt tendance à fuir, mais si le danger est très proche, alors ils peuvent charger.»

Le risque qu’un incident se produise dépend aussi de la nature du troupeau. «S’il s’agit de toutes jeunes génisses ou de vaches laitières, il y a peu de danger. C’est plus compliqué s’il s’agit de vaches allaitantes et de leurs veaux. Ces dernières peuvent même être plus dangereuses qu’un taureau, puisque leur instinct les pousse à protéger leurs petits», prévient Frédéric Ménétrey. «D’autres éléments peuvent aussi jouer un rôle, comme la présence du loup par exemple. Dans les régions du canton de Vaud où le prédateur évolue, on remarque que le bétail a tendance à être plus furtif.»

Peu d’accidents

Un éleveur connaît le caractère de ses bêtes, et il sait interpréter leurs comportements. Cette compétence manque souvent aux randonneurs à qui Frédéric Ménétrey recommande d’évaluer la situation avant d’entrer dans un pâturage (lire ci-contre). Cela n’est pas valable que pour les bovins. «Les moutons sont plutôt gentils mais si des chiens de garde les protègent, il faut être particulièrement prudent. Pour ces chiens, il n’y a pas de différence entre un homme qui s’approche et un loup. Les deux représentent une menace», illustre-t-il.

En Suisse, près de 4 millions de personnes pratiquent la randonnée. Un chiffre en forte hausse sur les dix dernières années, selon Suisse Rando. En parallèle, le monde de l’élevage évolue lui aussi. «Il y a aujourd’hui davantage de troupeaux de vaches allaitantes qu’il y a 20 ans, et moins de vaches laitières», explique Frédéric Ménétrey. Les interactions entre randonneurs et animaux augmentent, tout comme les accidents, dont le nombre reste tout de même assez faible. «Il ne doit pas y en avoir plus d’une dizaine par année», estime-t-il.

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