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Suisse

L’eau suisse, cette denrée si précieuse pour l'Europe

Le manque d’enneigement dans les Alpes a des conséquences dans de nombreuses régions d’Europe


Sophie Dupont

Sophie Dupont

10 mai 2023 à 08:40

Temps de lecture : 1 min

Climat » Glaciers, neiges des hauts sommets, lacs à profusion… La Suisse est un réservoir d’eau pour l’Europe. Elle abrite 6% de l’eau douce du continent, alors qu’elle ne représente que 0,4% du territoire européen. «Une partie non négligeable de la population européenne compte sur l’eau qui prend sa source dans les Alpes. Pour l’agriculture, l’énergie, l’eau potable», souligne Martin Beniston, climatologue et professeur honoraire à l’Université de Genève. Le Rhin alimente un bassin de 50 millions de personnes entre la Suisse et les Pays-Bas, le Rhône, 15 millions. Les eaux suisses nourrissent également le sud de l’Europe en se jetant dans le Pô, et une partie rejoint la mer Noire en passant par le Danube.

Avec le réchauffement climatique – plus marqué dans les Alpes qu’ailleurs –, les régimes hydrologiques changent. Les étés chauds sont synonymes d’une fonte plus importante des glaciers et donc de davantage d’eau disponible. Mais c’est à ce moment aussi que les barrages font leurs réserves pour l’hiver. «La plupart des rivières n’ont pas de régime naturel, mais un régime influencé par l’hydroélectricité. En été, leurs débits sont réduits, une partie étant captée par les barrages», explique Emmanuel Reynard, professeur de géographie à l’Université de Lausanne.

De la neige à l’inflation

6%

de l’eau du continent se trouve en Suisse

Autre phénomène, le manque de neige a des conséquences directes en aval, que les pluies estivales n’arrivent généralement pas à compenser. «Certaines années, le niveau du Rhin baisse drastiquement pendant l’été à cause d’une fonte précoce de la neige dans les Alpes et des étés plutôt caniculaires et secs. Les débits ne sont alors plus suffisants pour assurer la navigation fluviale», illustre Martin Beniston. Or le Rhin représente une importante route de commerce fluvial depuis la mer du Nord, jusqu’en Suisse. Pétrole, aciers, matériaux de construction… En 2022, les cargaisons ont pâti de la sécheresse. Les faibles niveaux d’eau contribuent ainsi à l’augmentation des prix.
Au sud, c’est le Pô qui pâtit dangereusement des changements dans les Alpes. Le Nord de l’Italie a connu durant l’été 2022 sa pire sécheresse depuis 70 ans. En cause, un hiver presque sans neige ni pluie, suivi d’un été caniculaire avec de violents orages. Des récoltes entières ont été perdues, le fleuve étant pratiquement à sec. «Grâce à ce cordon ombilical suffisamment abondant, il y avait en temps normal de l’eau en suffisance pour irriguer l’agriculture du grenier de l’Italie. Les sécheresses se sont répétées ces dernières années et la situation de 2022 était catastrophique», commente Martin Beniston. L’eau qui irrigue les cultures provient essentiellement du lac Majeur et du Pô.

Le manque d’or bleu engendre régulièrement des tensions entre l’Italie et la Suisse. L’année dernière, les autorités italiennes décidaient unilatéralement d’élever le niveau du lac Majeur afin d’avoir des réserves à disposition pour l’agriculture. Ni les autorités cantonales ni la Confédération n’ont été averties, ce qui a suscité l’ire du Tessin. «Si le niveau du lac est haut, la Piazza Grande de Locarno est inondée après un à deux jours de fortes pluies», souligne Bruno Storni, conseiller national tessinois. L’Italie n’a pas pu mettre son projet à exécution… par manque d’eau. Mais l’incident pourrait se reproduire cette année. L’organisme bilatéral italo-suisse créé en 2019 pour définir une nouvelle régulation du lac Majeur «n’est pas très actif», selon le socialiste.

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