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Suisse

Un pesticide "tueur d'abeilles" interdit en Europe exporté légalement depuis la Suisse

Public Eye dénonce la vente vers certains pays de néonicotinoïdes dont l’usage est banni en Europe

Qualifiés de «tueurs d’abeilles», les néonicotinoïdes ont un impact très critiqué sur l’environnement.

 Sevan Pearson

Sevan Pearson

17 mai 2023 à 04:01

Temps de lecture : 1 min

Agriculture » C’est un «deux poids, deux mesures» que dénonce l’ONG Public Eye dans un rapport rendu public ce mercredi, en partenariat avec Unearthed, la cellule enquête de Greenpeace Royaume-Uni. Tout en interdisant l’utilisation des pesticides de la famille des néonicotinoïdes sur son sol, l’Union européenne (UE) en autorise leur exportation. Et la Suisse occupe une place centrale dans ce commerce, malgré certaines dispositions légales renforcées depuis 2020. Entretien avec Laurent Gaberell, expert agriculture et alimentation chez Public Eye.

Dans quelle mesure les fabricants de néonicotinoïdes ont-ils le droit d’exporter ces substances depuis l’UE?

Laurent Gaberell: C’est une pratique légale. L’interdiction des néonicotinoïdes, comme pour tous les pesticides interdits, ne s’applique qu’à leur usage sur le sol européen et les fabricants restent libres de les exporter. Il leur suffit de déposer une notification d’exportation auprès des autorités. Les documents que nous avons obtenus montrent qu’en 2021, l’UE a exporté plus de 13’000 tonnes de ces insecticides «tueurs d’abeilles», soit 15 à 20% des volumes utilisés au niveau mondial. Syngenta est responsable de 80% de ces exportations.

Il est choquant que ces produits interdits d’utilisation dans l’UE, car jugés trop dangereux pour les abeilles et autres pollinisateurs, soient exportés vers des pays où les réglementations sont plus faibles et où ces pesticides présentent un risque encore plus élevé. D’autant que Bruxelles envisage même d’interdire les importations d’aliments dont la production a fait l’objet d’une utilisation de néonicotinoïdes. La Commission européenne s’est engagée à mettre fin à ces exportations en 2023 et vient de lancer une consultation publique. Mais la pression des lobbys de l’agrochimie reste très forte.

Vous évoquez un «risque plus élevé» dans les pays importateurs. Pourquoi?

80%

des exportations du pesticides viennent de Syngenta

La législation est souvent déficitaire, voire inexistante dans les pays les plus pauvres. En outre, ils manquent de ressources humaines pour réaliser les contrôles nécessaires. Enfin, l’utilisation des pesticides n’est pas bien encadrée. Le danger d’exposition environnementale est donc bien plus élevé. En Argentine par exemple, on estime que 30% de la population d’abeilles a disparu ces dix dernières années, en raison de l’effet des néonicotinoïdes.

Vous critiquez également la législation suisse, lacunaire selon vous…

En 2020, le Conseil fédéral a décidé de renforcer les dispositions sur l’exportation de pesticides interdits. C’est un pas dans la bonne direction. Cinq substances ne peuvent plus être exportées depuis le sol helvétique. Pour les autres, il faut désormais informer les autorités suisses et obtenir le consentement du pays importateur.

Mais la liste des substances soumises à cette obligation est lacunaire. La dernière actualisation remonte à cinq ans, alors que l’UE le fait chaque année. Les néonicotinoïdes, qui ont été interdits en Suisse (à l’utilisation, ndlr), n’y figurent pas. Conséquence: ils peuvent être exportés du territoire helvétique sans aucun contrôle. Il est impossible de connaître les quantités concernées et les pays destinataires. Et la prochaine actualisation de la liste n’est pas attendue avant 2025.

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