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Suisse

Djihadistes en Suisse. libres, mais surveillés

A ce jour, 13 djihadistes sont revenus en Suisse. Ils se trouvent tous sur le radar de la justice, ou l’ont été, entre enquêtes en cours ou décisions rendues. Mais certains suspects ne sont plus en détention préventive

En Suisse, les services de sécurité ont constamment sur leur radar les quelques voyageurs du djihad retournés au bercail.

Philippe Boeglin

Philippe Boeglin

10 avril 2019 à 01:22

Terrorisme » Les djihadistes suisses présents en Syrie ou en Irak ne cessent de faire parler d’eux: faut-il les rapatrier activement pour les poursuivre en justice? Doit-on au contraire les laisser sur place, notamment dans les prisons kurdes, et miser sur un tribunal international? Le Conseil fédéral a récemment choisi la seconde variante. Il ne prendra pas l’initiative de ramener au bercail ces quelque 20 personnes, même s’il n’exclut pas de faire exception pour les enfants.

Cette stratégie fait débat et occulte un autre volet de la problématique: les djihadistes suisses déjà rentrés au pays. Il s’agit tout de même de 13 personnes, dont le retour a été confirmé par le Service de renseignement de la Confédération (SRC). Où sont-elles? En prison? Pas toutes. Plusieurs ne se trouvent plus en détention. Selon des sources bien informées, ces suspects se déplacent en partie librement, soumis à des mesures de surveillance.

Dans le viseur de la justice

Excepté les personnes mineures au moment du retour, tous ont atterri dans le viseur du Ministère public de la Confédération (MPC). Certains sont sous le coup d’une enquête pénale, et attendent d’être éventuellement renvoyés devant un tribunal. D’autres ont déjà fait l’objet d’une décision de justice.

Les raisons de leur sortie de prison sont diverses. «La détention préventive ne peut légalement pas être prolongée indéfiniment, sauf en cas de circonstances particulières. De plus, si on garde quelqu’un en préventive qui se fait ensuite innocenter par un tribunal, la facture des dommages et intérêts explose. Et puis, et cela peut paraître paradoxal, on contrôle parfois mieux un djihadiste présumé en liberté surveillée qu’en prison, où il peut renouer avec des réseaux terroristes», explique une source policière, qui tient, comme les autres sources, à garder l’anonymat.

L’encadrement du suspect se matérialise sous diverses formes. Bracelet électronique, obligation de se présenter régulièrement à la police, interdiction de périmètre, interdiction de rencontrer certaines personnes, etc.: les moyens sont multiples. La crainte, inévitable, existe: comment éviter que ces suspects ne commettent un acte criminel?

«La bonne méthode n’existe pas, il n’y a jamais de certitude que personne ne récidivera. Mais les voyageurs djihadistes ne constituent pas des exceptions: beaucoup d’accusés se retrouvent «dans la nature» avant de passer en jugement», rappelle-t-on dans les milieux sécuritaires.

Pour assurer la sécurité publique, ne devrait-on pas faciliter une prolongation de la détention préventive jusqu’au procès? Le Département fédéral de justice et police a lancé un projet du temps de son ancienne cheffe, Simonetta Sommaruga (ps). Il relève que «la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, dont le message sera prochainement soumis au parlement, vise à combler les lacunes identifiées tout au long de la chaîne de la radicalisation». Cette loi propose la mise en œuvre de «différentes mesures qui pourraient notamment permettre de renforcer la sécurité publique entre la détention préventive et le procès – en complément des mesures de substitution prévues par la loi».

« Aucun d’eux ne devrait avoir de sang sur les mains »

Une source bien informée

Sur l’ensemble des voyageurs rentrés en Suisse, les destins sont divers. Deux d’entre eux ont été condamnés par le Tribunal des mineurs de Winterthour à 10 et 11 mois de prison avec sursis. Un troisième personnage, un Romand, a été astreint à des travaux d’intérêt général.

Sinon, la plupart des djihadistes présumés revenus au bercail restent sur le radar des autorités en attendant une décision judiciaire. Certains sont observés de très près à Zurich, à Genève ou encore sur l’Arc lémanique.

Aussi des «clients sérieux»

Tous les «revenants» sont-ils sous surveillance? Interrogé, le MPC ne rentre pas dans les détails. Il souligne que «tous les revenants confirmés par le SRC ont fait ou font actuellement l’objet de procédures pénales, à l’exception des personnes mineures au moment de leur retour». L’une de ces enquêtes a été close par une ordonnance pénale, une autre a été classée.

«Aucun de ces individus ne devrait avoir de sang sur les mains», rassure une source bien informée. «Certains ont juste franchi la frontière pour entrer en Syrie et sont ensuite rapidement revenus.» En revanche, «des clients sérieux se trouvent parmi les djihadistes encore sur place». Ces «clients sérieux», la Confédération ne les rapatriera pas activement, ce qui ne convainc pas certains spécialistes. «On reporte le problème et on perd en contrôle sur ces personnes.»

Cela dit, le danger ne vient pas que des voyageurs, mais aussi d’individus restés en Suisse. C’est pour cela que le MPC mène, en tout, quelque 70 procédures pénales.

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