La Liberté

Déséquilibre total, sensation à venir

Les grands favoris d’un côté du tableau, les surprises de l’autre, les quarts de finale s’annoncent indécis

Julien Pralong

Publié le 05.07.2018

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Quarts de finale »   La Coupe du monde 2018 est, déjà, celle du déséquilibre total. Elle pourrait devenir, aussi, celle de la sensation. Place dès vendredi à des quarts de finale annonciateurs de grands moments et du fracas de la chute des géants.

Les voyageurs du Mondial, comme ceux du Titanic à l’époque, ne sont pas tous logés à la même enseigne et se répartissent en trois classes: les équipes qui impressionnent et, par définition, qui font figure de favorites, les outsiders flamboyants et les victimes certaines qui vendront toutefois chèrement leur peau.

L’esprit de la gagne

Les puissants ont tous au moins une étoile à leur maillot: Brésil (5), France (1) et Uruguay (2), solides et efficaces, se détachent du reste de la meute. La Seleção surtout, elle qui monte en puissance au fil des matches en suivant la même courbe que Neymar, ­arrivé en manque de rythme mais désormais bien en jambes. Fidèle à la devise nationale, le sélectionneur Tite exige d’abord l’ordre, puis le progrès (lire ci-dessous). Et ses ouailles répondent pour l’heure parfaitement aux ­attentes.

Pétrie de talent, la France a ceci de décevant qu’elle peine toujours à imposer un jeu fluide qu’elle pourrait pourtant mettre en pratique tant son effectif est riche techniquement. Mais les Bleus, à l’image de leur sélectionneur Didier Deschamps, ont la gagne pour seul idéal et ont su faire l’économie des coups d’éclat et autres polémiques dont ils ont si souvent le secret. Attention, car le groupe France vit bien, et on sait jusqu’où ça peut le mener!

Il faudra néanmoins en premier lieu se défaire, vendredi, de cette équipe d’Uruguay tellement déterminée et talentueuse. La Celeste, soudée au propre comme au figuré, dispose aussi d’une ligne d’attaque de feu avec Luis Suarez et Edinson Cavani. Mais ce dernier, ­blessé contre le Portugal en 8e de finale, est très incertain pour la suite de la compétition, il ne s’est toujours pas entraîné avec ses coéquipiers.

Ici se situent les deux immenses déséquilibres de ce Mondial: les trois favoris naturels se trouvent tous dans la même moitié de tableau – et c’est le principal outsider, la Belgique, qui les accompagne et affrontera le Brésil vendredi! –, de même que les deux seules sélections non européennes. L’UEFA a en effet encore assis sa domination en plaçant six équipes sur huit en quarts. Avec l’assurance d’en voir au moins une en finale le 15 juillet à Moscou, puisqu’elle a privatisé le bas de tableau.

Le finaliste inattendu

Les trois favoris avec la redoutable Belgique réunis, une sensation est obligatoirement en cours de formation sur la terre de Russie. Puisqu’un finaliste du Mondial se trouve parmi un quatuor inattendu à pareille fête: le pays hôte, la Croatie, la Suède et ­l’Angleterre.

Les Russes, plutôt que d’être tétanisés par la perspective – qui n’avait rien de farfelu – d’une humiliation en mondovision, ont mis à profit cette pression pour, déjà, réaliser quelque chose de grand. Une place en quart de finale après avoir sorti l’Espagne et s’être montrés généreux en buts dans sa poule (5-0 contre les Saoudiens, 3-1 contre les Egyptiens).

L’élan de tout un peuple n’est jamais à sous-estimer, certes, mais la Sbornaja paraît toutefois trop limitée pour aller plus loin. A moins que la Croatie, son adversaire de samedi, ne rate complètement son match, ce qui arrive au moins toujours une fois à cette équipe dans les grands tournois. Les artistes des Balkans sont, avec les Belges et les Anglais, ceux qui paraissent être les mieux armés pour disputer la suprématie aux favoris.

L’Angleterre a bien failli laisser filer sa chance, mardi contre une Colombie qu’elle tenait à sa pogne avant de se faire traîner en prolongation puis aux tirs au but. Mais puisque les Three Lions, en plus de produire du jeu s’appuyant sur bien d’autres qualités que le seul engagement, commencent même maintenant à gagner aux tirs au but, tous les espoirs sont permis!

Comme la Russie, la Suède a tout – mais sur le papier seulement – d’une erreur de casting. Les tombeurs de l’équipe de Suisse – qui n’aurait d’ailleurs pas moins été une erreur de casting – ont pour eux une belle confiance alimentée depuis un an par un succès contre la France dans des éliminatoires qui les ont vus finir devant les Pays-Bas, puis sortir l’Italie en barrage avant de contribuer à l’élimination de l’Allemagne dès la phase de groupes. Pas si mal comme tableau de chasse… Or les Scandinaves sont bien décidés à y ajouter l’Angleterre ce samedi. ATS


 

Un monstre enfin monstrueux

Il était l’incarnation du naufrage brésilien de 2014, il peut être celle de la sixième marche triomphale de la Seleção. Un peu comme si Thiago Silva avait attendu d’avoir 33 ans pour enfin devenir O Monstro, ce monstre que promet son surnom.

Car Thiago Silva, depuis le début de cette Coupe du monde, est littéralement monstrueux. Intransigeant dans les duels et omniprésent dès qu’il s’agit de contrer une frappe adverse. Sa prestation en 8e de finale contre le Mexique a été en tout point parfaite et a compté pour beaucoup dans le convaincant succès 2-0 d’un Brésil qui monte en puissance et qui a tout du grand favori.

Un carton récolté bêtement en quart de finale, au Brésil, en 2014, contre la Colombie synonyme de suspension pour la demi-finale, et cette déroute contre l’Allemagne (7-1): un bilan inadmissible pour celui qui portait le brassard d’une Seleção qui n’avait d’autre choix que de remporter son tournoi. Au début de son mandat, le sélectionneur Tite a longtemps préféré la charnière Miranda - Marquinhos. Mais O Monstro a regagné sa place, avec bonheur et efficacité. Les bonnes sensations éprouvées par le défenseur pèseront forcément dans la balance. ATS

La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11