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Edith Eger a découvert une force intérieure à Auschwitz

Edith Eger, l'une des dernières survivantes d'Auschwitz, était invitée cette semaine par l'IMD de Lausanne. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Edith Eger, l'une des dernières survivantes d'Auschwitz, était invitée cette semaine par l'IMD de Lausanne. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT


Publié le 09.05.2019


Rescapée d'Auschwitz, psychologue réputée, phénomène littéraire aux Etats-Unis: Edith Eger était à Lausanne cette semaine, invitée par l'IMD, pour retracer son parcours hors du commun.

"La retraite, ce n'est pas pour moi. J'ai consacré mon existence à témoigner et je ne compte pas m'arrêter", affirme l'Américano-Hongroise de 91 ans dans un entretien à Keystone-ATS, accordé en marge de sa conférence à l'école de management. "Jusqu'au bout, je vais utiliser toute mon énergie pour que les générations futures ne vivent pas ce que j'ai dû vivre", explique-t-elle.

Edith Eger fait évidemment référence à la Shoah. Juive hongroise de Kosice, elle a été déportée à Auschwitz avec sa famille au printemps 1944. L'adolescente de 16 ans est alors repérée par le tristement célèbre docteur Josef Mengele. Il la force à danser pour lui le soir même de son arrivée, tandis que ses parents sont envoyés dans les chambres à gaz.

Edith Eger survit à Auschwitz, puis aux "marches de la mort" en fin de guerre. Déplacée à Mauthausen puis à Gunskirchen en Autriche, elle est libérée en mai 1945 par les soldats américains, qui la retrouve agonisante au milieu d'un tas de cadavres.

Force intérieure

"Auschwitz m'a permis de découvrir une force intérieure, un pouvoir que personne ne pourrait jamais m'enlever", assure-t-elle. "Dans les camps, j'ai appris à ne pas me voir dans le rôle de victime. A me prendre en charge et à ne pas m'en remettre à quelqu'un pour me sentir libre et heureuse. Nous avons tous le choix de nous comporter comme une victime ou un survivant", explique-t-elle.

Cette expérience, Edith Eger la met à profit à l'issue de la guerre lorsqu'elle devient psychologue aux Etats-Unis. Elle y exerce de nombreuses années auprès de personnes en situation de stress post-traumatique, notamment des soldats de l'armée américaine.

Psychologue reconnue, la Hongroise d'origine n'oublie toutefois pas de transmettre son expérience des camps. "Cela m'a pris du temps avant de pouvoir en parler. Qui a envie de se rappeler d'une telle chose ? Mais c'est ensuite devenu une évidence de partager mon vécu", relève-t-elle.

Cette envie de témoigner prend la forme d'un livre en 2017. Intitulées "The Choice" ("Le choix d'Edith" dans la traduction française), ses mémoires deviennent rapidement un best-seller aux Etats-Unis, où elle enchaîne les plus célèbres plateaux télé.

"La plus belle des revanches"

"Je ne pensais pas écrire un tel livre. J'ai toutefois décidé de laisser une trace écrite lorsque j'ai remarqué que certaines personnes autour de moi n'avaient jamais entendu parler de l'Holocauste", raconte-t-elle.

Interrogée sur la montée des nationalismes et la banalisation des actes antisémitismes, Edith Eger ne se fait pas d'illusion. "Tant que la peur de l'autre prendra le dessus, tant que la mentalité du 'nous' contre 'eux' perdurera, un nouvel Auschwitz est possible", estime-t-elle.

La psychologue se veut toutefois optimiste. "Je crois en la jeunesse. J'ai envie de dire aux nouvelles générations qu'il est normal de ressentir de la peur, et même de la haine. Nous sommes néanmoins toutes et tous nés pour vivre dans l'amour et la joie", affirme-t-elle.

Edith Eger est, elle, parvenue à transformer la haine qu'elle aurait pu avoir pour ses anciens bourreaux. "J'ai de la compassion pour eux. Et puis aujourd'hui, j'ai trois enfants, cinq petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants. C'est la plus belle des revanches", conclut-elle.

ats

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