Et si la monnaie devenait périssable?
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Opinion
Les banques centrales continuent de fournir les liquidités afin de permettre aux gouvernements de lever les sommes nécessaires pour maintenir sous oxygène les secteurs les plus touchés par les diverses mesures de confinement. Grâce à ces interventions sans précédent, le choc économique paraît à court terme supportable. Il n’en demeure pas moins que les liquidités ainsi produites vont dans une moindre mesure que par le passé vers la consommation, et tendent à se transformer en épargne voire en placements boursiers. Ce déversement de liquidités sur les marchés financiers expliquerait, partiellement du moins, la persistance – en pleine pandémie – de l’envolée des actions après le krach de mars 2020.
Les liquidités alimentent aussi l’épargne, laquelle est, du point de vue économique, stérile le temps qu’elle reste en dehors du circuit. Or cette épargne accumulée porte en elle les germes de la future inflation. En effet, si elle venait à se déverser subitement sur le marché de la consommation, elle pousserait selon toute vraisemblance les prix du panier des biens à la hausse. Il s’ensuivrait un dérèglement durable de l’économie et une panne de croissance à l’instar des années 1980, encore bien présentes dans la mémoire économique. Ainsi, les politiques économiques poursuivies actuellement ne sont que de pis-aller qui portent très probablement en elles les germes des problèmes et des difficultés à venir.
Voici que la Banque populaire de Chine, en procédant aux tests d’un yuan numérique, joue avec une idée qui pourrait – si l’épargne continue à s’accumuler – inspirer le moment venu nos banquiers centraux pour désamorcer le danger inflationniste. Il s’agit tout simplement de l’idée de frapper les unités monétaires mises en circulation d’une date de péremption. En modulant cette date, la banque centrale influencerait directement la vitesse de circulation monétaire et donc la croissance. Cette simple mesure inciterait les détenteurs à ne pas thésauriser et à échanger la monnaie plus vite contre des marchandises (ou des titres) de manière à ne pas prendre le risque de rester sur les bras avec un moyen de paiement qui aurait cessé d’en être un.
L’idée chinoise n’est pas radicalement nouvelle, elle s’apparente à la «monnaie fondante» promue au début du XXe siècle par Silvio Gesell. Cette monnaie devait être dépréciée avec le temps, incitant aussi à la consommation. La différence entre Gesell et la monnaie numérique testée par la Chine est que la technologie contemporaine permettrait – selon les spécialistes – une mise en œuvre relativement aisée de la date de péremption. Nous n’y sommes pas encore. Les banques centrales occidentales restent fidèles à leurs engagements. Ainsi, la BNS reprend les billets de 1976, alors qu’en France l’obligation légale d’honorer les anciens billets est de dix ans. Pourtant, si les craintes de l’(hyper)inflation devaient se préciser, les expériences chinoises de jouer avec la date de péremption de la monnaie pourraient trouver – subitement – un terrain fertile. Faute de mieux.