C’était en 1983. Avec l’appui du WWF et de la Ligue suisse pour la protection de la nature, nous récoltions des signatures pour «l’initiative de Rothenthurm et la protection des marais». Malgré l’opposition du parlement et du Conseil fédéral, l’initiative fut acceptée par 60% des votants.

A la même époque, la Grande Cariçaie était menacée par l’implantation de l’autoroute A1 à travers les marais entre Yverdon et Estavayer-le-Lac. La mobilisation massive (560 000 signatures) permit l’abandon du tracé et son déplacement dans l’arrière-pays.

Maintenant, des milliers de personnes parcourent ces deux magnifiques régions protégées, les contemplent, y renforcent leur santé physique et psychique. Parce que nous avons pu exercer nos droits démocratiques. Aujourd’hui, tout bascule dans l’affolement général. La guerre en Ukraine, l’éventuelle pénurie d’énergie, le manque de vision à long terme font perdre la tête à nos décideurs politiques. Suisse Eole, par sa vice-présidente, a déposé une initiative parlementaire exigeant de modifier fortement la législation pour forcer l’implantation de l’éolien, ce qui reléguera les intérêts de la nature et des humains au second plan.

Les organisations environnementales se taisent, le parlement s’enthousiasme et le Conseil fédéral enfonce le clou. Le 3 mars, il a annoncé soutenir que «l’autorisation de construire ne doit plus être délivrée par les communes, mais par le canton… Un recours devant le TF est recevable seulement s’il soulève une question juridique.»

Des siècles pour construire la démocratie suisse, quelques décennies pour la réduire à l’état de mythe?

Simon Rebetez, prés. Sauvez les Préalpes, le Mouret