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La magie de la Coupe avait opéré

Le 24 octobre 1987, le FC Châtel accueillait le grand Servette devant plus de 4000 spectateurs

Jean-François Pachoud, président actuel du FC Châtel-Saint-Denis et joueur de l’époque, a ressorti ses archives des nombreux articles consacrés à cet événement particulier d’un jour d’octobre 1987. © Alain Wicht
Jean-François Pachoud, président actuel du FC Châtel-Saint-Denis et joueur de l’époque, a ressorti ses archives des nombreux articles consacrés à cet événement particulier d’un jour d’octobre 1987. © Alain Wicht

Pascal Dupasquier

Publié le 12.02.2021

Temps de lecture estimé : 6 minutes

La clameur des stades vous manque? A nous aussi. Histoire d’oublier quelques instants le huis clos, La Liberté vous propose de revenir sur quelques-unes des meilleures ambiances que le sport de la région ait connues.

32e de finale de la Coupe de Suisse entre Châtel et Servette

Date: 24 octobre 1987.
Lieu: Stade du Lussy.
Affluence: 3700 spectateurs payants pour un total de 4500 environ avec les enfants et les invités.
Résultat: victoire de Servette 2-0.

«Servette, s’il fut accueilli en grande pompe et dans une ambiance typiquement de Coupe, ne s’est pas amusé au stade du Lussy. Il dut même patienter 73 minutes pour battre enfin Stéphane Hunziker qui éclaboussa toute la partie de sa classe naissante.» Ainsi débute le compte rendu signé Raphaël Gobet dans La Liberté du lundi 26 octobre 1987. Deux jours plus tôt, le FC Châtel-Saint-Denis avait vécu l’un des moments les plus intenses de son histoire: un premier tour de Coupe de Suisse où, «avec bravoure et intelligence», le petit club villageois de 1re ligue s’était incliné 2-0 face à ce qui était alors le grand Servette de ligue nationale A. Le tout devant plus de… 4000 spectateurs dans un Lussy plein à craquer.

Un FC Châtel valeureux, qui n’avait rendu les armes qu’à la 90e minute, sur un coup franc signé Karl-Heinz Rummenigge, immense star du football allemand auteur du 2-0 final. «Je me souviens exactement d’où il a tiré. C’était à 22 mètres, je pourrais même revenir sur le terrain pour vous montrer», rigole Nicolas Geiger, libéro et capitaine de l’équipe dirigée alors par le «mage» Jean-Claude Waeber. «Rummenigge a posé la balle et il a allumé la lucarne. Il y avait 4000 spectateurs dans un décor bucolique, ce match-là, c’était fantastique», s’exclame le citoyen d’Attalens.

Constellation de stars

D’un côté? Le FC Châtel avec ses «gloires» locales Amaral, Bapst, Pachoud, Geiger… De l’autre? Servette emmené par ses internationaux Favre, Schällibaum, Bamert, Decastel, emmené surtout par ses vedettes étrangères: John Eriksen et Karl-Heinz Rummenigge qui, pour l’anecdote, disputait son tout premier match sous les couleurs genevoises au Lussy. «Servette avait déboursé un million de francs pour Rummenigge. C’était le budget de dix ans du FC Châtel», compare Nicolas Geiger, friand de cette saison 1987-1988 où le championnat pouvait «s’offrir» de stars de la trempe de Rummenigge, Stielike (Xamax), Antognoni (Lausanne) ou encore Tardelli (Saint-Gall). «Le football suisse reposait sur des mécènes. Hélas, ce modèle économique a disparu. Il y avait des joueurs magnifiques, dont Rummenigge était l’un des plus beaux exemples», analyse Nicolas Geiger.

«Je n’avais rien à perdre»

«Je suis le premier gardien de buts en Suisse à avoir encaissé un but de Rummenigge, se marre pour sa part Stéphane Hunziker, 21 ans à l’époque et, de l’avis de tous, auteur d’une performance XXL le 24 octobre 1987 face aux «grenat». «Je n’avais pas eu beaucoup d’arrêts à faire. Par contre, j’avais eu une grosse présence», nuance-t-il, avant de tresser une couronne de lauriers à sa défense: «Derrière, nous avions été impressionnants. Jamais je ne me suis retrouvé avec deux ou trois gars seuls devant moi.» Trente-quatre ans plus tard, Stéphane Hunziker a le visage qui brille toujours à l’évocation de ce 32e de finale de la Coupe. «J’avais la plus belle place. J’étais jeune gardien, j’avais tout à gagner», sourit-il.

«C’était le match à ne surtout pas rater, renchérit Jean-François Pachoud, milieu de terrain à trois poumons qui vivait alors sa troisième saison au FC Châtel, dont il est désormais le président. «Les gens rentraient de partout, c’était de la folie. Aujourd’hui, tu te dis: comment était-ce possible?», reprend-il avant de souffler: «Avec notre carrière régionale, nous étions suivis par toute la Veveyse. Les gens venaient de Semsales, d’Attalens, de Bossonnens pour nous voir. Je me souviens aussi que nous avions joué devant 1600 personnes contre Central. Contre Domdidier, c’était à chaque fois 1000 personnes», s’enthousiasme-t-il. Et de constater, un brin nostalgique: «C’était une autre époque.»

 

Châtel - Servette 0-2 (0-0)

Châtel: Hunziker; Geiger; Vodoz, Derivaz, Seiler; Bapst, Pachoud (78e Negroni), Amaral; Isabella, Cuche, Laett. Entraîneur: Jean-Claude Waeber.

Servette: Mutter; Decastel; Hasler, Bamert, Schällibaum; Morisod, Favre, Kressibucher, Besnard; Rummenigge, Eriksen. Entraîneur: Thierry de Choudens.

Notes: Stade du Lussy, 3700 spectateurs (payants). Arbitre: M. Roduit de Sion, qui avertit Kressibucher et Morisod. Changements: Duronio pour Isabella (blessé, 32e), Negroni pour Pachoud (78e) et Palombo pour Morisod (84e). Buts: Eriksen (73e) et Rummenigge (90e).


L’anecdote qui n’a jamais été racontée

Gérard Vauthey: «C’était la bénichon»

A l’automne 1987, le recrutement de Karl-Heinz Rummenigge avait constitué un énorme coup médiatique pour le Servette FC… Mais aussi pour le FC Châtel, puisque c’est au Lussy que le double finaliste allemand de la Coupe du monde a effectué son baptême du feu helvétique. De quoi attirer le public en masse ce samedi 24 octobre en Veveyse, mais aussi des médias venus de toute l’Europe. «J’avais reçu des téléphones de journaux français et espagnols qui souhaitaient s’accréditer. Je ne savais pas trop comment faire», raconte Gérard Vauthey. Connu pour son sens inné de l’organisation, l’emblématique président de l’époque avait, évidemment, trouvé une solution. Comme il avait su, aussi, mettre les petits plats dans les grands à l’occasion de cette grande première dans l’histoire du club. Une tribune en tubulaires avait notamment été dressée pour anticiper l’afflux du public. «Il y avait un bouchon entre la sortie de l’autoroute et le stade. C’était à peine croyable», sourit Gérard Vauthey. Soucieux de leur faire bon accueil, le FC Châtel avait également réservé un petit cadeau à ses hôtes servettiens: «Nous avions offert un panier à chaque joueur avec des produits de la région. Il y avait une cuchaule, de la moutarde et des pains d’anis», énumère-t-il avant de glisser: «Il y avait aussi des petits chars avec boissons et nourriture qui passaient parmi les spectateurs et les jambons tournaient devant la buvette… C’était la bénichon. En 20 ans de présidence, cela a été ma plus belle fête. Encore plus belle que celle de 1991, lorsque nous sommes montés en ligue B.» PAD

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