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Une villa comme moyen de corruption

Après la révélation jeudi d’une enquête de la justice suisse, l’étau se resserre autour d’al-Khelaïfi et Valcke

Le ciel commence gentiment à s’assombrir au-dessus de la tête de Nasser al-Khelaïfi. © Keystone-archives
Le ciel commence gentiment à s’assombrir au-dessus de la tête de Nasser al-Khelaïfi. © Keystone-archives
Publié le 14.10.2017

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Football »   Nouveau front sur le Fifagate et nouveau rebondissement: la police italienne a perquisitionné et saisi hier une villa en Sardaigne, «moyen de corruption» utilisé selon elle par le PDG de beIN Media, Nasser al-Khelaïfi, également patron du PSG, pour atteindre Jérôme Valcke, ex-No 2 de la FIFA. La villa en question, à Porto Cervo, marina de carte postale, dont la valeur est estimée à sept millions d’euros, «constitue le «moyen de corruption» utilisé par Nasser al-Khelaïfi (...) à l’encontre (de Jérôme Valcke) pour acquérir les droits télévisés relatifs» à plusieurs Coupes du monde, selon un communiqué de la police italienne.

La «Villa Bianca» appartient à une société immobilière établie à l’international, mais était à la disposition de Valcke, selon le même communiqué. L’opération d’hier a été menée en présence d’un «représentant du Ministère public de la Confédération helvétique». L’avocat de Valcke assure auprès de l’AFP que l’ex-No 2 de la FIFA «a payé la location de la villa sarde».

Opération coordonnée

Car cet épisode n’est que le prolongement spectaculaire de l’affaire qui a éclaté jeudi quand la justice suisse a révélé l’ouverture d’une enquête pour «corruption privée» présumée dans l’attribution des droits médias de plusieurs Coupes du monde, visant Nasser al-Khelaïfi, boss de beIN Media, corrupteur présumé, et Jérôme Valcke, corrompu présumé. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a en réalité lancé sa procédure en toute discrétion le 20 mars 2017, pour «soupçon de corruption privée, d’escroquerie, de gestion déloyale et de faux dans les titres». Dès jeudi, le MPC évoquait une opération «coordonnée», menée simultanément en France, en Grèce, en Espagne et en Italie.

La police italienne précise encore que plusieurs personnes, «liées à divers titres à la société propriétaire de la villa» ont été interrogées. Des documents et du matériel informatique ont également été saisis. Jeudi, les bureaux parisiens de la chaîne de télévision qatarie beIN Sports avaient été perquisitionnés, avait annoncé le Parquet national financier (PNF) français.

Domicilié à Barcelone

Le groupe beIN Media avait réfuté «toutes les accusations portées» par la justice dès jeudi soir, ajoutant qu’il collaborerait «pleinement avec les autorités et attend sereinement les suites de l’enquête». Valcke, 57 ans, mis en examen, avait quitté libre jeudi soir les bureaux du MPC à Berne. Il déclare dans le quotidien français L’Equipe d’hier n’avoir «rien reçu de 
Nasser»: «Il n’y a jamais eu d’échange entre Nasser et moi. Jamais.» L’épouse de Valcke, qui l’accompagnait en Suisse, «a également été entendue par les enquêteurs, mais à Lausanne», avait-on appris d’une autre source judiciaire. Le couple Valcke devait ensuite rejoindre Barcelone, où il est désormais domicilié, dès jeudi soir, selon les conseils du couple. Une troisième personne, un homme d’affaires «actif dans le domaine des droits sportifs», est également visée, mais le MPC n’a pas communiqué son identité.

Les ennuis s’accumulent pour al-Khelaïfi, puisque le PSG, dont il est président depuis le rachat du club par un fonds souverain du Qatar en 2011, fait l’objet d’une enquête de l’UEFA. Le club est soupçonné d’avoir enfreint les règles du fair-play financier – ne pas dépenser plus qu’on ne gagne même en présence d’un actionnaire/mécène richissime – avec les acquisitions de Neymar (222 millions d’euros) et Mbappé (180 millions d’euros).

D’autres affaires

Valcke est soupçonné d’avoir «accepté des avantages indus en lien avec l’octroi de droits média dans certains pays». La Coupe du monde 2018 a été octroyée à la Russie et celle de 2022 au Qatar, dont est natif al-Khelaïfi, proche de l’émir, lors d’un double vote du Conseil de la FIFA en 2010. 
Les éditions 2026 et 2030 n’ont pas encore été attri-
buées. Depuis 2015, la FIFA est frappée par le plus grand scandale de corruption de son histoire. La justice suisse avait ouvert dès cette année-là une enquête sur les conditions d’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022, sur lesquelles pèsent de forts soupçons de corruption.

Et de nombreux anciens responsables du football mondial ont depuis lors été arrêtés ou ont fait l’objet de demandes d’extradition de la justice américaine. Le procès de plusieurs d’entre eux doit s’ouvrir en novembre devant un tribunal de New York. De source judiciaire, Valcke avait été interpellé jeudi matin à la sortie d’un hôtel à Genève. La veille, il avait pris part à une audience devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne, où il contestait sa suspension de dix ans. Dans ce dossier devant le TAS, il réfute notamment son implication dans une affaire de revente de billets du Mondial 2014, qui lui avait valu sa destitution de la FIFA en septembre 2015. Pour ces faits, le MPC a rappelé que Valcke faisait l’objet d’une autre procédure pénale. ats


 

La Fifa ouvre une enquête

La commission d’éthique de la FIFA a ouvert une enquête préliminaire à l’encontre de Nasser al-Khelaïfi, PDG de BeIN Media et patron du Paris SG, visé par une enquête suisse portant sur des soupçons de corruption. L’ancien secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, déjà suspendu, est également visé par l’enquête de la justice suisse. ats

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