La Liberté

Wawrinka et la cour des miracles

Le Vaudois est passé par tous les états d’âme avant de s’imposer en cinq sets contre Andreas Seppi

Publié le 24.01.2020

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Tennis » Stan Wawrinka (N°15) revient de nulle part! Malade depuis deux jours, le Vaudois s’est qualifié pour les seizièmes de finale de l’Open d’Australie après un succès acquis en 3 h 38 devant Andreas Seppi (ATP 85).

Cette victoire 4-6 7-5 6-3 3-6 6-4 tient presque du miracle. Andreas Seppi a, en effet, servi à 6-4 5-4 pour mener deux sets à rien. L’Italien a ensuite réussi le premier break du cinquième set à 3-3 dans le fatidique septième jeu. Mais il devait galvauder une balle de 5-3 sur son engagement avant de céder devant un Stan Wawrinka redevenu dans les dix dernières minutes de cette partie le «Stanimal» auquel rien ne résiste.

Avant, le Vaudois avait dû se battre avec les moyens du bord, diminué par ce maudit virus. «Je suis resté cloué dans ma chambre deux jours. Je ne l’ai quittée qu’une heure pour aller voir le médecin, explique-t-il. Je me suis échauffé dans l’après-midi. Je me sentais malgré tout en mesure de m’aligner. Mais durant la partie, j’ai dû aller vomir à deux reprises.»

Un tournoi unique

Le destin que Stan Wawrinka a épousé hier soir sur la Margaret Court Arena rappelle une vérité: tout, oui vraiment tout est possible à l’Open d’Australie. Comme de voir la programmation retardée sur les courts annexes en raison de l’obligation de nettoyer le sable que les pluies des dernières heures avaient charrié…

Ce tournoi qui se joue parfois dans des conditions extrêmes peut permettre des renversements de situation improbables. On a vu mardi la remontada de Fabio Fognini face à Reilly Opelka, celle de Tommy Paul mercredi devant Grigor Dimitrov et celle de Taylor Fritz hier contre Kevin Anderson. Même s’il n’a pas été mené deux sets à rien comme l’Italien et les deux Américains, Stan Wawrinka peut, lui aussi, se sentir dans la peau d’un survivant qui a vu la fin de près, de très près.

Le Vaudois disputera donc pour la première fois depuis 2017 les seizièmes de finale de l’Open d’Australie, dont il fut le vainqueur en 2014. Samedi, il devra, bien sûr, soigner ses retours de service face à John Isner (N°19), contre lequel il reste sur trois défaites. Mais devant le géant américain, il conviendra en premier lieu qu’il retrouve tout son punch sur ses jeux de service, qu’il soit capable comme lors de son premier tour face à Damir Dzumhur de gagner le point en une ou deux frappes. On le sait, le moindre break perdu prend des allures de catastrophe face à un serveur de la trempe de John Isner. «J’ai deux jours pour me retaper. On verra aussi comment Isner se sentira, dit-il. Mais l’idée sera de le faire jouer le plus possible.»

Face à Andreas Seppi, Stan Wawrinka avait choisi de jouer dans une filière longue. En raison de son état physique, il ne se sentait sans doute pas capable de jouer davantage en explosivité. Il redoutait aussi, à juste titre, les qualités de contreur du Transalpin.

Une vaine querelle

Conscient d’être tombé dans une certaine léthargie après une heure de match, Stan Wawrinka s’est alors lancé dans une vaine querelle avec l’arbitre de chaise Alison Hughes et le superviseur Gerry Armstrong, l’homme qui avait disqualifié John McEnroe dans ce même tournoi il y a trente ans. Tous les moyens étaient bons pour trouver cette adrénaline sans laquelle rien n’aurait été possible. «Même si je ne pense pas avoir eu tort sur toute la ligne dans mes discussions avec les arbitres, j’avais besoin de faire évacuer toute ma frustration, avoue-t-il. Pour cela, il faut faire monter l’ambiance.» Quitte à tenter de faire passer de rage la balle par-dessus le toit de la Margaret Court Arena. ATS


COMMENTAIRE

Et l’homme s’écroula…

Cinquième set. Andreas Seppi mène 4-3 et 40-30 sur son service quand il pense avoir frappé un ace. Il l’espère très fortement pour le moins en demandant vérification de la vidéo – en tennis, elle fait l’unanimité.

A son clan, l’Italien esquisse une grimace avant de dessiner avec son pouce et son index un écart, l’air de dire: si la balle est faute, ce n’est que de ça. Pas plus. Quelques secondes plus tard, l’«œil de faucon» valide ce que le juge de ligne avait cru voir: sur l’écran, la trace est effectivement hors des limites, mais d’un rien. Déçu comme personne n’aurait pu l’imaginer alors, l’expérimenté Andreas Seppi, 35 ans dont 17 sur le circuit professionnel, ne marquera plus qu’un seul point jusqu’à la fin du match, qui sacrera bientôt la victoire d’un Stan Wawrinka moribond: 6-4 dans la manche décisive.

A quoi tient le tennis? A un ou deux millimètres, comme un écart de doigts. A un espoir déchu. Et à cette technologie créée par l’humain mais qui n’hésite pas à se retourner contre qui l’invoque pour de mauvaises raisons: gagner grâce à la chance, gagner grâce au hasard, à quelque part. Il ne le dira jamais, ou seulement à ses proches dans l’intimité du vestiaire. Mais alors que chaque point valait triple et qu’on aurait pu couper au couteau le nuage de nervosité qui semblait avoir pris place au-dessus de la Margaret Court Arena de Melbourne, Andreas Seppi a eu la faiblesse de s’en remet-tre à la machine. Et lorsque celle-ci lui a donné tort, le fragile cerveau de l’homme, le cœur battant de l’homme et les jambes en coton de l’homme se sont écroulés.

Pierre Salinas

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