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Fribourg: le Tribunal cantonal doit admettre un recours en allemand

Le Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg est tenu d'accepter un mémoire en allemand, même si la langue de la procédure est le français. Dans un arrêt en français, le Tribunal fédéral précise la portée du bilinguisme dans le canton.

Selon le Tribunal fédéral, les cantons bilingues doivent admettre l'utilisation de l'autre langue officielle devant leur instance judiciaire supérieure (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON
Selon le Tribunal fédéral, les cantons bilingues doivent admettre l'utilisation de l'autre langue officielle devant leur instance judiciaire supérieure (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON

ATS

Publié le 31.07.2019

Cette décision publiée mercredi s'inscrit dans le cadre d'une demande de réduction de loyer pour un appartement en ville de Fribourg. La gérance établie à Lausanne avait exigé de son locataire qu'il rédige sa demande en français. Celui-ci s'y était résigné et avait agi de même devant le Tribunal des baux de la Sarine.

Lors du recours devant le Tribunal cantonal en revanche, le locataire avait refusé de procéder en français. La justice n'était donc pas entrée en matière.

En préambule, le Tribunal fédéral précise que le recours du locataire était rédigé en allemand. Mais comme la décision attaquée était en français, il s'en tient au français dans son arrêt.

Jurisprudence

Pour la haute cour, "la question litigieuse est de savoir si le Tribunal cantonal fribourgeois peut exiger d'une partie qu'elle traduise une écriture rédigée dans la langue officielle du canton qui n'est pas la langue de la procédure." Et la réponse est négative.

Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal fédéral a rappelé que, dans le cadre d'une procédure administrative, il avait lui-même admis une exception au principe de territorialité prévu par la Constitution fribourgeoise. Il avait ainsi estimé qu'un justiciable pouvait déposer un recours devant le Tribunal cantonal dans la langue officielle de son choix, quelle que soit la langue de procédure.

Dans la décision attaquée, la justice fribourgeoise avait aussi évoqué cette jurisprudence et s'était demandé s'il convenait de l'appliquer également à la procédure civile. Elle s'y était finalement refusée, estimant que, si l'on peut attendre d'une autorité d'un canton bilingue qu'elle maîtrise les deux langues officielles, il en va autrement d'une partie à une procédure civile.

Droit fondamental

Mon Repos souligne pour sa part que le droit fondamental du recourant à agir en allemand a été reconnu. Cependant, le Tribunal cantonal a estimé que ce droit pouvait être restreint en raison de l'existence d'une base légale et du droit de la gérance à procéder en français.

Ce faisant, les juges cantonaux n'ont pas examiné les autres conditions nécessaires pour restreindre un droit fondamental, en particulier le respect de la proportionnalité, critique la haute cour. Ils se sont contentés d'évoquer les inconvénients que causerait à la gérance un mémoire en allemand alors que son conseil ne procède pas dans cette langue.

Sans ignorer l'aspect tactique de l'argument, le Tribunal fédéral ironise sur ce "véritable aveu d'ignorance qui interpelle dans un pays où la majorité des décisions de l'autorité judiciaire suprême sont rendues dans une autre langue que le français." Il ajoute que la justice fribourgeoise a fait preuve pour le moins de légèreté en admettant ce grief.

Pour la haute cour, cet inconvénient n'est pas déterminant dans la pesée des intérêts commandée par le principe de proportionnalité. En effet, la partie concernée pourra continuer à s'exprimer dans sa langue et la procédure se poursuivra également dans cette langue.

Les juges fédéraux ajoutent que le bon fonctionnement de la justice dans un canton bilingue implique que les habitants s'accommodent de désagréments tels que celui causé par l'usage de l'autre langue officielle devant le Tribunal cantonal. Ce d'autant plus que la loi fribourgeoise impose déjà des concessions aux minorités linguistiques.

La haute cour conclut que, comme le montre l'expérience au niveau fédéral ou dans d'autres cantons bilingues, aucun intérêt public n'impose d'interdire à une partie d'utiliser une des langues officielles devant l'autorité judiciaire supérieure du canton. En conséquence, la décision de non-entrée en matière du Tribunal cantonal est annulée. (arrêt 4D_65/2018 du 15 juillet 2019)

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