La Liberté

Les solides convictions de Saint-Nicolas

Exergue/Polémique • L’UDC a fustigé le discours tenu samedi par le patron de Fribourg, sous prétexte qu’il parlait de politique. Saint-Nicolas a pourtant un avis bien posé.

Saint-Nicolas, au coeur de la polémique. © Charles Ellena
Saint-Nicolas, au coeur de la polémique. © Charles Ellena

François Mauron

Publié le 10.12.2014

Temps de lecture estimé : 4 minutes

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La campagne en vue des élections fédérales de l’an prochain a déjà démarré. L’UDC du canton de Fribourg en a fourni une preuve le week-end passé, en diffusant un communiqué de presse pour déplorer l’«évolution regrettable de la fête de la Saint-Nicolas à Fribourg». Signé par le président et par un vice-président du parti, le texte dénonce le discours «moralisateur et politique» prononcé samedi soir depuis le balcon de la cathédrale par le patron de la capitale cantonale.

En effet, revenant sur le vote du 9 février contre l’immigration massive, Saint-Nicolas a lancé à la foule: «Je suis inquiet pour vous. Mes précieux Helvètes, pourquoi prôner l’égoïsme et le repli sur soi, alors que le partage est source de joie infinie?» Un questionnement qui a eu le don d’irriter les têtes cantonales de la formation blochérienne. «Nous espérons que ceux qui sont à l’organisation de cette fête auront l’intelligence de faire retrouver à la Saint-Nicolas son rôle traditionnel: une figure qui inspire la confiance pour les enfants, une figure rassurante et rassembleuse et non un porte-voix pour quelques étudiants gauchistes», tempêtent-ils.

Cette réaction interroge sur le rôle de la fête chère à Fribourg, de la réception qu’en a le public, et aussi sur son organisation. Sous cet aspect, force est de constater que l’UDC a la mémoire courte. Entendre Saint-Nicolas tenir un discours altermondialiste et faire l’apologie des pauvres, des faibles, des laissés-pour-compte de la société ou des étrangers n’est par une nouveauté.

En 1991, par exemple, l’évêque de Myre félicite les Fribourgeois qui ont montré leur solidarité lors de la grève des femmes, espérant «que cette solidarité ne se limite pas aux seuls problèmes de votre société helvétique, mais qu’elle s’étende aux autres groupes défavorisés du monde entier». En 1994, faisant référence au vote négatif des Suisses sur l’adhésion à l’EEE, il déclare: «Je suis heureux de voir que vous m’acceptez toujours aussi chaleureusement malgré mon origine turque et ceci depuis très longtemps, même bien avant une certaine votation.» L’année d’après, il tient cette injonction: «Attention, mes enfants, ne vous laissez pas berner par toutes sortes d’usurpateurs qui se prennent pour des Saint-Nicolas et qui vous promettent des biscômes en forme de fierté nationaliste et des mandarines d’orgueil!» Saint-Nicolas s’alarmera également en 2000, après le vote sur une initiative populaire souhaitant réglementer l’immigration.

Ces quelques exemples le démontrent: Saint-Nicolas fait de la politique depuis longtemps. Pis, à en juger par ses différentes interventions, il est effectivement plutôt de gauche, quelle que soit l’époque où il s’exprime. Ce qui n’est finalement pas si étonnant quand on sait que derrière sa grande barbe blanche se cache une âme de jeune homme de 17 ou 18 ans. Et que c’est bien lui qui rédige ses discours.

Il est certes loisible de comprendre que ceux qui ne partagent pas les vues de Saint-Nicolas - ses adversaires politiques, en quelque sorte - s’agacent de le voir faire part de ses convictions devant une audience dépassant 20'000 personnes. Ils ont toutefois tort d’estimer que les organisateurs se sont approprié un mythe. Si ce dernier existe aujourd’hui avec une telle ferveur dans tout le canton, c’est bien grâce aux collégiens de Saint-Michel qui ont lancé, sous forme de canular, le cortège de la Saint-Nicolas un beau jour de décembre 1906. Si la fête a pris un tel essor, elle le doit à la tradition instaurée puis développée par le Collège Saint-Michel. Oublier cela, c’est tout simplement nier une réalité historique*. Or, en tant que figure née d’une initiative privée, Saint-Nicolas a indubitablement le droit d’avoir sa propre opinion et de la partager. Qui ne souhaite pas l’entendre doit sans doute éviter de venir l’écouter sur le parvis de la cathédrale.

*Sur l’histoire de Saint-Nicolas, lire «Saint-Nicolas - les aventures du patron de Fribourg», Editions Faim de Siècle, 2005.

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