La Liberté

Soviétiques et « Femmes Libres » dans la guerre d’Espagne

L’article en ligne – Critique BD Hiver 1936, la guerre d’Espagne oppose le gouvernement républicain aux forces putschistes du général Franco. Entre bombardements et combats aériens, les habitants de l’Espagne et les soldats vivent le conflit de différentes façons.

Entre combats aériens et bombardements, « Double 7 » s’intéresse au rôle de l’URSS dans la guerre d’Espagne. © Dargaud
Entre combats aériens et bombardements, « Double 7 » s’intéresse au rôle de l’URSS dans la guerre d’Espagne. © Dargaud

Hai Yen Pham

Publié le 20.11.2018

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Paru en octobre dernier chez Dargaud, « Double 7 » trouve en la guerre d’Espagne (1936-1939) un décor sombre pour raconter l’histoire de celles et ceux qui résistent, qui obéissent, qui s’aiment. À travers les septante pages de ce volume, Yann et Juillard explorent la guerre civile espagnole sous des angles complexes. Par l’intermédiaire de personnages fictifs, ils présentent différents acteurs ou victimes du conflit et la diversité de leurs intérêts, de leurs parcours.

L’hiver de 1936 se fait rude sur la ville assiégée de Madrid. Une famille tente de fuir les bombardements des avions de l’armée nazie qui combat aux côtés des forces nationalistes de Franco, autrement appelée la « légion de Condor ». Dans la précipitation de leur fuite, ils croisent brièvement un Ernest Hemingway excentrique qui s’exprime à la troisième personne et sa compagne Martha Gellhorn, tous deux correspondants de guerre soutenant les Républicains espagnols. Heureusement, une intervention efficace des avions soviétiques fait décamper les Allemands. En effet, l’URSS fait cavalière seule aux côtés de la jeune république espagnole : en échange de sa généreuse livraison d’avions et de pilotes, de chars et de munitions, Staline prélève les réserves d’or du pays et y envoie des commissaires politiques. Malgré les tensions, les complots et la violence du conflit, le terreau reste propice à la rencontre. Dans ce cadre peu tendre, un lien se construit entre Roman, pilote de chasse soviétique et Lulia, jeune milicienne républicaine du mouvement anarchiste « Mujeres Libres » (« Femmes Libres »).

Dans cet album garni de beaux détails graphiques sur l’aviation, Yann et Juillard proposent de découvrir les coulisses de l’URSS dans la complexité des affrontements. Entre la purge des rangs républicains d’éléments trotskistes ou fascistes, la direction des opérations militaires et l’expatriation de l’or espagnol, les hommes de Staline incarnent la complexité des intérêts de l’URSS dans la guerre d’Espagne. Avec réalisme, les auteurs articulent la multiplicité des visages du camp républicain dans lequel se mêlent également des mercenaires français et américains. De même, les combats aériens, les différentes échelles de pouvoir et les difficultés d’une relation en temps de guerre sont mis en scène de façon franche et directe. Le coup de crayon précis et infatigable de Juillard, la froideur des tons choisis pour la majorité des planches illustrent subtilement le climat incertain et menaçant de la guerre.

En revanche, on restera un peu sur sa faim une fois l’ouvrage refermé. Il faut dire que la concision de l’album effleure les différents groupes et rapports de forces sans pouvoir élargir chaque élément. On aurait éventuellement aimé en savoir plus sur les activités des « Mujeres Libres » et sur les différents protagonistes qui traversent plus ou moins furtivement le récit. En effet, si la relation de Lulia et Roman est placée au cœur de l’ouvrage, leurs personnages sont finalement assez peu développés : on sait surtout que Lulia est une milicienne intrépide et Roman un pilote aguerri. La narration ne permet pas d’aller en profondeur, abordant trop d’aspects simultanément. Enfin, si les fragments espagnols et russes des dialogues donnent au récit des saveurs réalistes, quelques traductions en plus auraient été opportunes, compte tenu de la récurrence de certaines expressions.

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