La Liberté

«Plutôt sympa»

Mauvais genre • Se faire siffler dans la rue, c'est «plutôt sympa» selon la française Sophie de Menton. Florence Hügi lui répond dans sa chronique, avec l'aide de l'artiste Yvette Théraulaz.

Le harcèlement dans la rue touche 100% des femmes à Paris. Photo prétexte © Charles Ellena
Le harcèlement dans la rue touche 100% des femmes à Paris. Photo prétexte © Charles Ellena

florence hügi

Publié le 29.04.2015

Temps de lecture estimé : 3 minutes

«Il marchait devant moi. Ses fesses bougeaient dans son pantalon. Je regardais ses jambes: la première chose que j’regarde chez un homme c’est ses jambes. J’avais une de ces envies de lui mettre la main aux fesses. J’avais envie d’me l’faire ouais, il faut que je me le fasse. Je parie vingt balles que je m’le fais…»

Les chiffres sont staliniens: 100% des femmes auraient été harcelées dans la rue au moins une fois dans leur vie. Aucune symétrie: cela ne signifie pas que 100% des hommes sont des andouilles libidineuses.

«Je le sifflai, je parvins à sa hauteur… Je marche un moment en silence à côté de lui, je l’guette du coin de l’œil… Vous avez souri, n’est-ce pas que vous avez souri? Il leva les bras au ciel et là, mais, qu’est-ce que je vois? Un duvet disgracieux sous les aisselles…»

Au quotidien, les remarques graveleuses ou les mains baladeuses, les longs sifflements. Et puis ce diagnostic: se faire siffler dans la rue, c’est «plutôt sympa», selon la Française Sophie de Menthon. La dame s’y connaît en nirvana, elle qui avait décelé le «conte de fées» dans les mésaventures de Nafissatou Diallo.

«Super sympa» de sentir un inconnu vous renifler la nuque dans un métro, un bus ou un train archiplein, en encastrant son bassin sur vos fesses.

«Comme il marchait seul et qu’il avait l’air très déprimé, je m’dis ça c’est l’coup à ne pas manquer. Alors, mon mignon, on n’est pas content, on boude? Viens que j’te paie une glace et puis tu me conteras tes misères, un beau gosse qui est triste, moi j’peux pas supporter.»

Seulement voilà, ces statistiques ne concernent que Paris, pas la bucolique Helvétie. Les trucs cool, c’est toujours pour les autres. Ces délicieux moments où on change de trottoir pour éviter les remarques concupiscentes et les cadors bien en rut. Quel dommage que ça n’existe pas chez nous.

«Alors comme ça t’es vendeur? Tu dois pas gagner beaucoup. Si tu es très très gentil avec moi, j’arrondis tes fins de mois. Tu fais la fine bouche, tu veux pas? Qu’est-ce que t’as? Ben quoi, t’es libéré ou pas? Ne joue pas ton bégueule, ne fais pas ton petit bêcheur. Tu m’excites et après, ceinture? Allumeur!»

Sauf que nous vous narrons une histoire d’ici. Tout droit issue du répertoire d’Yvette Théraulaz, poil à gratter féministe. Nous étions en 1979, la chanson a 36 ans (à écouter ci-dessous). L’artiste enjôlait le spectateur jusqu’à la nausée, jusqu’à ce qu’il se tortille sur son siège, plus du tout peinard.

Prendre le contrepoint, caricaturer, faire naître le rire de la gêne. 1979-2015, même combat. Sympa?

Yvette Théraulaz - Blues (le texte sera retenu comme qualité du morceau, pas la voix)

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