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Un retour des talibans en Afghanistan?

Paul Grossriederancien directeur du CICR
Paul Grossriederancien directeur du CICR

Paul Grossrieder

Publié le 11.05.2021

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Opinion

Le 14 avril, Joe Biden a annoncé le départ des troupes américaines, suivi de toutes celles de l’Otan, le 11 septembre – 20e anniversaire de l’attaque terroriste contre les tours jumelles de New York qui avait déclenché l’intervention en Afghanistan. Comment comprendre les motivations et implications de cette importante décision de politique étrangère du président américain?

Avant tout, rappelons les accords de Doha passés en février 2020 entre les talibans et le Gouvernement afghan sous l’égide de Trump, dans lesquels ce dernier promettait aux talibans de retirer ses troupes d’Afghanistan, en contrepartie de quoi débuteraient des pourparlers de paix directs avec le Gouvernement afghan. Même si le calendrier n’est pas le même, Biden suit la politique de son prédécesseur en décidant de retirer les quelque 3500 hommes d’Afghanistan.

La décision de Washington est certainement influencée par des exigences de politique intérieure: Biden cède à l’opinion majoritaire de sa population, qui ne veut plus que ses boys soient engagés dans des guerres extérieures. Cela dit, le départ des troupes occidentales va créer un vide que les talibans rêvent d’occuper depuis longtemps.

L’interférence occidentale dans les affaires afghanes est critiquée depuis longtemps, notamment par les médias américains. Obama déjà défendait le non-interventionnisme américain, en opposition à la politique des néoconservateurs de G.W. Bush. On peut le comprendre, car le bilan de la présence militaire US en Afghanistan est maigre comparé à son coût gigantesque (plus de 2000 milliards de dollars en vingt ans).

Il n’empêche qu’en l’absence de troupes étrangères, et compte tenu de la faiblesse de l’armée, les talibans vont probablement tout faire pour reconquérir Kaboul comme en 1996. C’est certainement la tactique qu’ils ont suivie en signant les accords de Doha: se débarrasser des troupes étrangères pour pouvoir imposer la charia et renforcer leur positionnement militaire face aux troupes gouvernementales. Si les talibans reviennent au pouvoir, c’en sera fini des quelques progrès sur le statut des femmes et d’autres légères avancées dans le respect des droits de l’homme obtenus grâce à la présence américaine.

La décision de Biden pourrait, à plus long terme, entraîner des effets sécuritaires négatifs pour l’Occident aussi. En effet, des milices terroristes afghanes et l’Etat islamique pourraient également profiter du vide ainsi créé pour faire de l’Afghanistan un sanctuaire pour préparer des attaques à l’extérieur. La récente mission du secrétaire d’Etat Blinken à Kaboul ne changera rien au fond du problème.

Sur le plan international, le Pakistan, soutien traditionnel des talibans, est gagnant. L’Iran de son côté pourra continuer d’appuyer al-Qaïda sans entrave et sera débarrassé de la menace américaine à ses frontières. Quant à la Russie, grâce à ses livraisons d’armes aux talibans, elle inflige déjà une nouvelle humiliation à Washington.

Par sa décision, Biden rend possible, à terme, un retour au pouvoir des talibans, et laisse aussi la voie libre à des puissances peu soucieuses de nos valeurs démocratiques.

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