La Liberté

«Je n’ai fait que proposer un échange»

PBD Vaud • Jean-Luc Laurent est à l’origine de ce que l’UDC Vaud appelle une «tentative de déstabilisation politique». Visé par des plaintes pour tentative de contrainte, il se défend. Son parti lui maintient sa confiance. Le «maître chanteur» présumé se défend. Interview.

Le «maître chanteur» présumé, le PBD Jean-Luc Laurent, s’explique à son domicile, à l’endroit même d’une perquisition menée le 17 juillet. © ARC/Jean-Bernard Sieber
Le «maître chanteur» présumé, le PBD Jean-Luc Laurent, s’explique à son domicile, à l’endroit même d’une perquisition menée le 17 juillet. © ARC/Jean-Bernard Sieber

Jérôme Cachin

Publié le 29.07.2015

Temps de lecture estimé : 6 minutes

La crise qui touche l’UDC Vaud et sa présidente Fabienne Despot met aussi le PBD Vaud sous pression. C’est un des candidats au National de ce petit parti, le Lausannois Jean-Luc Laurent, qui détenait une copie de l’enregistrement clandestin effectué par Fabienne Despot. Il voulait notamment l’échanger contre un rapport interne de médiation de l’UDC Vaud.

Lundi soir, le comité directeur du PBD Vaud s’est réuni en urgence pour faire le point sur la situation. Peu avant cette séance, Michael Heinz Rohrer, candidat au National et président de la commission électorale, a démissionné avec effet immédiat. Il n’accepte pas qu’Eric Schürch, le président du Parti bourgeois-démocratique (PBD) Vaud, ait soutenu publiquement Jean-Luc Laurent, dès samedi. Le comité directeur a unanimement confirmé ce soutien, en confirmant la candidature de Jean-Luc Laurent. Le «maître chanteur» présumé se défend.

Comment vous êtes-vous expliqué devant votre comité directeur, lundi soir?

Jean-Luc Laurent: J’ai raconté ce qui s’est passé depuis 2013. J’étais membre de l’UDC lausannoise et je faisais partie de ceux qui contestaient l’action de l’ancien président et secrétaire général Claude-Alain Voiblet. Il y a eu ensuite une mascarade de médiation, qui s’est conclue par un rapport. Le 16 avril 2014, le comité central de l’UDC Vaud a pris connaissance de ce rapport, qui blanchissait M. Voiblet. Mais ses opposants n’ont pas pu y accéder. J’ai donc démissionné de l’UDC Vaud le lendemain. Depuis, je n’ai eu de cesse de demander ce rapport aux organes de l’UDC Vaud. J’ai tapé à toutes les portes. Qu’est-ce qu’il y a dans ce rapport? Des saloperies sur moi?

- Donc, vous ne l’avez pas et vous menacez l’UDC Vaud au moyen de cet enregistrement. Mais que contient cet enregistrement?

Il ne dit strictement rien de compromettant sur personne. Certaines des personnes présentes ce 2 avril 2014 (Fabienne Despot, Michaël Buffat, Monika Commissione et Jean-François Thuillard, ndlr) parlent de coucheries, puis ils se demandent où ils peuvent aller boire des verres, puisque la personne attendue, Philipp Stauber (chef du groupe UDC au Conseil communal de Lausanne, ndlr), ne vient pas.

- Parlent-ils aussi de Philipp Stauber?

Oui, ils sont surpris qu’il ne vienne pas. Ils sont écœurés de se déplacer à quatre pour l’entendre, alors qu’il vient de critiquer publiquement Fabienne Despot, et qu’il ne prenne même pas la peine de se rendre à ce rendez-vous. Mais il n’y a rien de plus.

- Qui vous a remis cet enregistrement?

Fred Reichenbach, l’ancien compagnon de Mme Despot. C’est lui qui me l’a proposé. Il n’y a pas eu d’intermédiaire.

- L’UDC Vaud vous accuse d’avoir fait une «tentative de déstabilisation politique»…

Tout seul, vous croyez que j’ai la capacité de déstabiliser l’UDC?

- Tout de même, Michaël Buffat et Fabienne Despot ont déposé des plaintes contre vous pour tentative de contrainte, autrement dit pour chantage. Mme Despot vous qualifie de «maître chanteur»…

J’ai été entendu par le procureur, mais à ce jour, je n’ai pas été inculpé ou condamné. A l’UDC Vaud, j’ai proposé un simple échange: l’enregistrement contre le rapport. Je pensais que ça pouvait intéresser du monde de savoir que Fabienne Despot avait enregistré ses collègues de parti sans le leur dire. En revanche, j’avais aussi montré deux clés USB au secrétaire général de l’UDC Vaud, Kevin Grangier, quand je lui ai fait écouter l’enregistrement, le 9 juillet. Mais ces deux clés étaient vides, c’était du bluff pour donner plus de poids à ma proposition.

- Si vous étiez inculpé, est-ce que vous quitteriez la politique?

Oui. Je ne peux pas concevoir de représenter la population en traînant un tel boulet.

- Vous regrettez votre démarche?

Bien sûr que c’était une bêtise. Mais on ne peut pas revenir en arrière. J’ai pensé que ça pouvait faire avancer le schmilblick, parce que j’estime que pour bien représenter la population, on doit être propre.

- Et vous estimez que ce que vous avez fait là, c’est propre?

Je leur ai dit que j’avais un enregistrement et je leur ai proposé de le leur remettre, à condition qu’ils me donnent une copie de ce rapport, ou même qu’ils me permettent de le lire. Et je leur ai dit que s’ils refusaient, je pouvais faire ce que je voulais de cet enregistrement: le donner à la presse, par exemple. C’est tout. Je ne peux pas accepter que certaines personnes représentent la population alors qu’elles ont des casseroles. Je l’ai expliqué à M. Grangier. Après, c’est lui qui a dit que je voulais obtenir le retrait de certains candidats de la liste UDC Vaud.

- Que pensez-vous de la démission du président de la commission électorale du PBD Vaud, Michael Heinz Rohrer, à cause de cette affaire? Lui, il ne vous soutient pas. Il dit que votre acte «ressemble à du chantage ou du marchandage»…

C’est très dommage, il a fait beaucoup pour le PBD. Je ne comprends pas pourquoi il ne m’a pas approché avant de prendre sa décision. S’il avait assisté à la séance du comité directeur de lundi soir, il aurait compris le sens de toute cette histoire.

* * *

La menace d’un congrès très risqué

Hier, l’ancienne conseillère nationale UDC Alice Glauser, à nouveau candidate au National, s’est retrouvée un peu seule à soutenir Fabienne Despot. Hier matin, elle a fait ce tweet: «Jean-Luc Laurent garde la confiance du PBD… Il veut nuire. F. Despot voulait seulement se protéger, son parti la lâcherait? Très peu pour moi!» Un message qu’Alice Glauser n’a pas souhaité commenter.

Sur les réseaux sociaux ou anonymement au téléphone, de nombreux membres UDC disent leur ras-le-bol. Ils souhaitent la sortie la plus honorable possible à Fabienne Despot. Et surtout le moins tard possible.

A l’interne, le secrétaire général Kevin Grangier sonde par e-mail chaque candidat aux fédérales: Fabienne Despot devrait-elle se retirer? Si elle se maintient, chacun est invité à dire s’il reste sur la liste.

Autre question posée aux membres du comité central: faut-il organiser un congrès pour décider du sort de Fabienne Despot? Un congrès à haut risque pour l’image de l’UDC Vaud et pour sa présidente, à quelques jours du dépôt des listes. C’est dire si la pression s’accentue sur Fabienne Despot.

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