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Le Parlement rejette l'initiative anti-burqa

Le port de la burqa ou du niqab est un phénomène marginal en Suisse, ont rappelé plusieurs orateurs opposés à l'initiative du comité d'Egerkingen (archives). © KEYSTONE/EPA RITZAU SCANPIX/MARTIN SYLVEST
Le port de la burqa ou du niqab est un phénomène marginal en Suisse, ont rappelé plusieurs orateurs opposés à l'initiative du comité d'Egerkingen (archives). © KEYSTONE/EPA RITZAU SCANPIX/MARTIN SYLVEST
Le port de la burqa ou du niqab est un phénomène marginal en Suisse, ont rappelé plusieurs orateurs opposés à l'initiative du comité d'Egerkingen (archives). © KEYSTONE/EPA RITZAU SCANPIX/MARTIN SYLVEST
Le port de la burqa ou du niqab est un phénomène marginal en Suisse, ont rappelé plusieurs orateurs opposés à l'initiative du comité d'Egerkingen (archives). © KEYSTONE/EPA RITZAU SCANPIX/MARTIN SYLVEST


Publié le 17.06.2020


Interdire la burqa dans l'espace public va trop loin. A l'instar du Conseil des Etats, le National a recommandé mercredi par 114 voix contre 76 le rejet de l'initiative de la droite dure. Les Chambres fédérales lui préfèrent un contre-projet indirect.

Seule l'UDC et une partie du centre ont soutenu ce texte au terme de plusieurs heures de débats. L'initiative populaire du comité d'Egerkingen veut interdire la dissimulation du visage dans l'espace public. Des exceptions sont prévues pour des raisons de santé, de sécurité, de climat ou de coutumes locales.

Le texte vise les femmes portant la burqa ou le niqab et veut protéger leurs droits au libre-arbitre. Le comité invoque aussi la sécurité publique, ciblant les bandes de casseurs aux cortèges du 1er mai ou les hooligans. De l'avis de la ministre de justice, Karine Keller-Sutter, les criminels ne vont pas renoncer à porter un masque parce qu'ils risquent une amende.

"Ce texte n'a pas d'effet de protection", a rappelé Damien Cottier (PLR/NE) au nom de la commission. Les maris qui contraignent leur femme à porter un voile sont déjà punis par la loi. L'initiative pourrait pousser ces hommes à interdire à leur épouse de sortir de la maison.

Individualité

Pour Barbara Steinemann (UDC/ZH), le port du voile intégral vole toute individualité à la femme. "C'est un mépris de l'être humain." Ce tissu est un symbole de soumission de la femme et de sa négation dans l'espace public, a argué Céline Amaudruz (UDC/GE).

Porter ces habits est le contraire de l'autodétermination, a poursuivi Marianne Binder-Keller (PDC/AG). Et Marco Romano (PDC/TI) d'ajouter que cela subordonne les femmes aux hommes. "Dans notre pays, nous montrons notre visage", ont déclaré plusieurs représentants de l'UDC.

La dignité de la femme est en jeu, a lancé Jean-Luc Addor (UDC/VS). Ceux qui s'engagent pour l'égalité de la femme doivent rester cohérent avec les principes énoncés dimanche lors de la commémoration de la grève des femmes du 14 juin 2019.

"L'UDC veut devenir le parti de l'égalité. Mais, où était le parti lorsqu'il fallait défendre le droit de vote des femmes ou le droit au congé maternité", a répliqué Samira Marti (PS/BL). Et Irène Kälin (Verts/AG) d'arguer que ceux qui veulent s'engager pour l'égalité doivent s'opposer à la violence domestique ou pour des salaires minimaux décents.

Phénomène rare

"L'initiative ne libèrera personne", a abondé Ada Marra (PS/VD). Aucune femme de ce pays pâtira d'un non à ce texte. Aucune femme n'aura plus de droits. "L'initiative n'améliore en rien la situation des femmes", a avancé Michel Matter (PVL/GE).

Au contraire, le texte instrumentalise la cause des femmes et met à mal la tradition multiculturelle du vivre ensemble, a avancé Isabelle Pasquier (Verts/GE). La Suisse doit plutôt soutenir les femmes dans leur éducation et leur intégration, ont souligné plusieurs orateurs.

L'initiative est islamophobe et populiste, a encore pointé Mme Marra. Elle amène sur le devant de la scène un problème qui n'existe pas. La femme à burqa est rare et n'est pas le prototype de la femme musulmane en Suisse. Et Sibel Arslan (Verts/BS) de rappeler que la plupart des femmes qui portent la burqa en Suisse sont des touristes.

Karin Keller-Sutter a elle-même reconnu n'avoir jamais vu de femmes en burqa en Suisse. Le niqab se voit parfois à Interlaken, à la rue du Rhône à Genève ou devant les devantures de bijoux à Zurich.

Compétence cantonale

L'initiative est aussi une ingérence dans la compétence des cantons, responsables de la sécurité, a souligné Kurt Fluri (PLR/SO). Par ailleurs, il n'y aura pas de législation commune pour toute la Suisse, contrairement à ce que prétendent les initiants, a rappelé M. Cottier. Chaque canton sera libre d'adopter une législation de mise en oeuvre.

Il faut une loi pragmatique qui permette à chaque canton de réagir selon sa sensibilité, a avancé M. Matter. Deux cantons, le Tessin et St-Gall, interdisent déjà la burqa. Zurich, Soleure, Schwyz, Bâle-Ville et Glaris ont refusé une telle interdiction. La leur imposer via l'initiative est absurde, a souligné Alex Farinelli (PLR/TI).

La Suisse n'est pas en avance sur le sujet. Plusieurs pays européens ont déjà interdit le port du voile dans l'espace public, a argué Pierre-André Page (UDC/FR).

Egalité homme-femme

Le Parlement a déjà adopté un contre-projet en mars. Il vise à ce qu'une personne soit tenue de montrer son visage à des fins d'identification. Une amende de maximum 10'000 francs est prévue en cas de refus. Le texte inclut des dispositions en faveur de l’égalité entre les sexes et de l'intégration, en particulier pour les femmes, les enfants et les jeunes étrangers.

ats

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