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Le FIFF bat un nouveau record

Festival de films de Fribourg • La 29e édition du FIFF a accueilli plus de 40'000 spectateurs, un nouveau record. Lors d’une cérémonie pleine de suspense et d’émotion, le jury international a couronné un film mexicain.

Invitée à trois reprises sur le podium, Diep Hoang Nguyen a fini par chanter une chanson pour le public ravi. © Charly Rappo
Invitée à trois reprises sur le podium, Diep Hoang Nguyen a fini par chanter une chanson pour le public ravi. © Charly Rappo

Eric Steiner

Publié le 30.03.2015

Temps de lecture estimé : 7 minutes

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Samedi soir, l’heure était au suspense au cinéma Rex à Fribourg où se déroulaient la cérémonie de clôture et la remise des prix de la 29e édition du Festival international de films de Fribourg (FIFF). Contrairement à l’année précédente, presque tous les réalisateurs des films en compétition étaient présents et bien malin qui aurait pu prédire le palmarès final, tant la sélection était d’un niveau élevé.

Mais avant de découvrir les lauréats, le public a appris une bonne nouvelle de la bouche de François Nordmann: avec plus de 40'000 visiteurs, le festival a dépassé le nombre d’habitants de la ville et battu un nouveau record de fréquentation. Le nouveau président du FIFF en a profité pour rendre hommage à tous les bénévoles ou professionnels d’un festival «en phase avec son public» avant de s’exclamer: «Vous n’avez encore rien vu!», en faisant allusion à la 30e édition qui se déroulera l’année prochaine.

Merci en chanson

Les différents présidents des jurys se sont ensuite succédé pour annoncer leurs choix. Des choix qui ont surpris aussi bien le public que les lauréats qui n’ont pas caché leur émotion. A commencer par Diep Hoang Nguyen qui présentait «Flapping in the Middle of Nowhere» («Battre des ailes au milieu de nulle part»). «Normalement, lorsque je reste jusqu’à la fin d’un festival, je ne reçois aucun prix», nous avait-elle confié mercredi, alors qu’elle venait juste d’arriver de Hong Kong.

Heureusement pour la cinéaste vietnamienne, les différents jurés lui ont donné tort puisque son beau film, l’un des plus originaux et poétiques de la compétition, a remporté samedi soir à la fois le Prix du Jury des jeunes et celui du Jury œcuménique, plus une mention du Jury international. De quoi donner des ailes à cette jeune femme à la fois timide et spontanée qui a fini par chanter une chanson en guise de remerciements!

L’émotion était également palpable lorsque Tofigh Amani, le réalisateur irakien de «Ants Apartment», a dédié son Prix du meilleur court-métrage aux combattants peshmergas qui se battent contre Daech dans le Kurdistan irakien. Le directeur artistique du FIFF Thierry Jobin a ensuite remis le Prix du public, à George Ovashvili pour le lumineux «Corn Island». «Le rêve se poursuit», s’est exclamé le réalisateur géorgien, qui avait déjà été doublement primé au FIFF en 2010 pour «The Other Bank».

Regard d’or mexicain

Puis vint le moment tant attendu de la révélation des prix du jury international par la bouche de sa présidente, la cinéaste canadienne Alanis Obomsawin. Récompense suprême, le Regard d’or a été attribué à «González», excellent premier long-métrage du Chilien Christian Díaz Pardo qui utilise avec intelligence les codes du film noir pour décrire la solitude morale d’un jeune chômeur mexicain et dénoncer les pratiques sectaires de certaines Eglises évangéliques. Le Jury international a également déjoué les pronostics en décernant son Prix spécial à «Ata», un film méditatif réalisé par un moine tibétain qui est venu chercher son prix vêtu de sa robe safran.

Il ne restait plus au public qu’à découvrir le film de clôture, une histoire de vampires en noir et blanc tournée aux Etats-Unis par une réalisatrice iranienne. Une œuvre pour le moins singulière, à l’image d’un festival plus international et multiculturel que jamais.

*****

«Les gens veulent en savoir plus»

Samedi soir, après la remise des prix, Thierry Jobin avait les petits yeux d’une fin de festival et n’attendait plus que de rejoindre les lauréats, les nombreux invités et toute son équipe pour un repas à l’Ancienne Gare. Mais toujours aussi disponible et intarissable, le directeur artistique du FIFF a trouvé le temps de nous accorder sa dernière interview de cette édition de tous les bonheurs.

- Un nouveau record de fréquentation, des invités et des cinéastes qui ne tarissent pas d’éloges pour le FIFF. Dans cet océan de joie, il y a tout de même eu quelques mauvais moments, rassurez-nous?

Thierry Jobin: Oui, mon pire moment, c’était à la soirée Suisse-Syrie au Sous-Sol lors de laquelle Noma Omran, la femme du réalisateur Ossama Mohammed, était invitée à chanter des chansons araméennes. C’est une chanteuse d’opéra et c’était la première fois de sa vie qu’elle chantait dans un bar et elle souhaitait le silence. Malheureusement, malgré mes efforts, il y avait toujours un groupe de jeunes qui continuaient à discuter. Je me suis approché d’eux et je leur ai demandé s’ils ne pouvaient pas faire moins de bruit. Et en fait, il s’agissait de Syriens qui m’ont dit que c’était la première fois qu’on leur proposait un lieu public pour se rencontrer, discuter, écouter leur musique: ils étaient tellement heureux qu’ils ne pouvaient s’empêcher de parler.

»Autre moment difficile, lorsqu’on s’aperçoit juste avant la projection qu’Arte nous avait envoyé une version courte d’un long-métrage syrien, 25 minutes au lieu de 90! Alors je déboule juste avant la présentation pour avertir les gens et j’offre à chacun une invitation pour une autre séance. Tout le monde est resté, personne n’a râlé, ça c’est le public formidable de Fribourg!

- Trois mille personnes de plus que l’an passé: est-ce que les sections «Comédie» et «Erotisme» ont fait la différence?

Bien sûr ces sections ont très bien marché comme toutes les autres d’ailleurs mais la différence s’est faite surtout avec les films en compétition qui ont cartonné. Il y a une confiance du public dans nos choix qui est incroyable! Mais c’est toujours difficile de parler de taux d’occupation et de statistiques. Ce qui compte vraiment le plus pour moi c’est de voir sur le visage des gens qu’ils ont été touchés.

- Mais il arrive aussi qu’ils soient fâchés quand vous leur proposez un film où il ne se passe rien pendant 90 minutes?

Oui, parfois il y a des gens qui ne lisent pas le catalogue et ensuite les caissières dégustent… Mais dans la plupart des cas on me dit: «Je n’ai pas apprécié le film, mais je comprends pourquoi tu l’as programmé.» Un festival, c’est aussi l’occasion de se mettre en état de curiosité, de découvrir des choses extrêmes que l’on ne verrait jamais autrement.

- Une critique que l’on a pu entendre, c’est que le FIFF a perdu de son identité, qu’il y a trop de choses différentes, qui n’ont souvent rien à voir ensemble…

Je ne trouve pas. Les gens qui aiment le FIFF d’autrefois, ils pouvaient aller voir la compétition ou les films syriens par exemple. C’est vrai qu’il y a beaucoup de films très différents, mais ils sont toujours remis en contexte. Je suis persuadé que si les gens viennent si nombreux, c’est parce qu’ils veulent en savoir plus, que ce soit par une comédie populaire serbe ou un documentaire sur les Amérindiens. ES

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