La Liberté

«Causette»

Mauvais genre • Avec talent, finesse, originalité et humour, la journaliste Florence Hügi pique, de sa belle plume, là où ça fait mal. Découvrez sa nouvelle chronique!

«Causette» se dit «plus féminine du cerveau que du capiton», soit une publication qui n'est pas pour les ramollies du bulbe. © DR
«Causette» se dit «plus féminine du cerveau que du capiton», soit une publication qui n'est pas pour les ramollies du bulbe. © DR

Florence Hügi

Publié le 11.02.2015

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Tel est le conte du jour, suintant l’épouvante: la tragédie n’est pas loin. Attention, ça va pleurnicher dans les chaumières.

Acte I. Prenez un magazine au succès insolent, de trois exemplaires fabriqués sur un coin de table à - en six ans - une publication en quadrichromie tirée à 120'000 exemplaires. «Causette», qui se dit «plus féminine du cerveau que du capiton», soit pas pour les ramollies du bulbe adeptes de scrapbooking. Nous, ça nous va, cette presse drôle et décalée qui se met à penser que les femmes pensent. Et qui enquête: prouver les violences sexuelles dans l’armée au point de mettre un chenit dans tout l’état-major, c’est plutôt séduisant. Et ça, même si des rumeurs insistantes disent que cette rédaction vit des trucs pas rigolos du tout (voir l’article que «Libération» a consacré à cette affaire le 19 février 2014).

Acte II. Comme dans toute fable moderne, est née la page Facebook associée, les copines de «Causette» (et que même les hommes, ici, c’est des copines). Une saine émulation, des questions, des apports? Euh, au début. Parce que là, les copines de «Causette» (CdC), c’est plus ses copines. Ce sont même des anticopines qui font caca sur leur grande sœur de papier, dénoncent la direction (des hommes!), le masculinisme - parler des hommes qui se voient imposer une paternité, c’est mal - ou militent pour l’abolitionnisme (prostituées = victimes, hommes = bourreaux). Et distillent la bonne parole à toutes les brebis égarées venues en tremblotant poser leurs questions «sur le féminisme». Tiens, hier, trouvé ça: «Je suis la seule à trouver que féminisme ne va pas avec augmentation mammaire.» Joie.

Acte III. Il y a quelques jours, tout le monde a sorti la grosse artillerie. «Causette» et sa direction se sont énervées, les CdC se sont dites persécutées tout en persécutant, et hop, sont nées «Les Copines». Soit les anciennes CdC qui ont fait sécession. Pour débattre, parce qu’elles savent ce qu’est débattre. Sauf que depuis, ce petit monde dit du mal des autres pendant que les autres disent du mal d’elles. Police de la pensée contre prosélytisme despotique. Re-joie.

La tragédie, alors, où est-elle? Sourire las. Internet, comme une mise en abyme de la vraie vie. Quand celles qui prétendent s’engager pour leur autonomie versent dans les pires clichés, entre combat de boue et arrachage de cheveux, quand se propagent haine des hommes et victimisation des femmes, quand les blessures se répandent et sèment la colère, la nausée monte. Il y a quelques jours, on a vanté mon «militantisme». Failli vomir, et expliqué que non, pas du tout. Que Dieu, s’il existe, m’en préserve.

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