La Liberté

Goal!

Mauvais genre • La version féminine de la Coupe du monde de football qui se déroule actuellement au Canada et à laquelle participe la Suisse a inspiré Florence Hügi, chroniqueuse féministe à «La Liberté».

La presse populaire parle-t-elle de la technique de Ramona Bachmann, de sa brillance, de son amour du foot, de comment elle est arrivée à ce niveau? Que nenni... © Keystone/Instagram(@bachmannr10)
La presse populaire parle-t-elle de la technique de Ramona Bachmann, de sa brillance, de son amour du foot, de comment elle est arrivée à ce niveau? Que nenni... © Keystone/Instagram(@bachmannr10)

Florence Hügi

Publié le 17.06.2015

Temps de lecture estimé : 3 minutes

A l’heure où, chers lecteurs et chères lectrices, vous lirez ces lignes, la Suisse sera très certainement en 8es de finale de la Coupe de monde de foot. Promis. Vous ne le saviez pas? Vous le faites exprès, ma parole. Le foot, c’est sacré. C’est la communion populaire et christique, ces bagnoles qui klaxonnent jusqu’à pas d’heure, ces terrains vagues transformés en champs de foire et écrans géants, ces rétroviseurs ornés de notre fière croix blanche, ces Panini fébrilement échangés, ces millions qu’il a fallu passer sous la table pour avoir les droits TV, ces cernes des supporters au boulot… Et vous, vous n’en savez RIEN??? Les bras m’en tombent des genoux.

Ah oui, juste un détail: on parle de foot féminin. Oui, du foot avec des filles habillées qui portent des crampons. Des pros. Mais du foot qui n’intéresse personne, puisqu’il serait «plus moral, plus fair-play, plus sincère et plus humble» que celui des garçons (dit un sondage réalisé par un sponsor de la Fédération française de foot). Plus chiant, quoi. Celui où les joueuses gardent un job à côté vu que 2500 francs mensuels ne suffisent pas trop pour vivre. Celui qui colle aux doigts des médias tel un vieux sparadrap. Des filles sur un terrain, ça va quand elles sont pom-pom girls, WAGs (relire à ce propos cette chronique) ou nettoyeuses de gazon, mais sinon, c’est très compliqué. Alors ça donne des articles assez plats, rédigés avec une prudence de Sioux: «Surtout, ne pas être sexiste.» Effort à saluer même si ces textes fleurent plus les vieux traités d’hygiène conjugale que les ardentes tribunes habituelles.

Et puis, voici cette perle pondue par «Blick» et reprise par son clone après les trois buts successifs de Ramona Bachmann mis à l’Equateur (un match tout de même gagné par la Suisse 10 à 1). Va-t-on nous parler de sa technique, de sa brillance, de son amour du foot, de comment elle est arrivée à ce niveau? Que nenni. «Si Ramona Bachmann flambe, c’est grâce à Camille.» Son amoureuse qui, malheureusement, ne semble pas dotée de roploplos en acier trempé. Franchement les filles, vous pourriez faire un effort. Pas étonnant qu’on soit obligé d’ajouter une galerie photo des supportrices de la Copa America, autrement plus festives.

Bon, ne crachons pas dans la soupe. Il paraît que «l’intérêt» pour le foot féminin monte. On en serait à «21%». 21% de quoi? Personne pour nous l’expliquer mais c’est positif. «Y a du blé à se faire», autrement dit. Rappelons qu’en 1965, il était conseillé aux filles de ne pas pratiquer ce sport pour «raisons médicales» et qu’aujourd’hui, elles sont 27'000 licenciées en Suisse. Reste à espérer que le foot de filles ne devienne pas le système de blanchiment des âmes et des porte-monnaie du foot de garçons. Non?

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