Granges-Paccot: Agy Centre va se moderniser et devrait accueillir Decathlon

Temps de lecture estimé : 8 minutes

A Granges-Paccot, Agy Centre va bénéficier d’une cure de jouvence, a appris La Liberté. Actuellement, ce centre commercial a des allures à demi-fantôme, étant donné les nombreuses surfaces vides et une enseigne affichant «liquidation totale». «Dans le cadre d’une rénovation, le centre sera adapté aux besoins actuels. Une partie du bâtiment sera transformée, l’entrée sera réaménagée et l’enveloppe du bâtiment rafraîchie», informe un porte-parole du fond immobilier propriétaire des lieux.

Un nouveau locataire devrait s’installer au premier étage – actuellement désert – et également occuper une surface au rez-de-chaussée. Il s’agit de Decathlon, comme le confirme l’enseigne, que nous avons contactée. Des détails seront communiqués en février, informe Maryne Fuchs, directrice marketing & communication de la société, qui précise que cela n’implique aucun changement pour la filiale située à Avry Centre.

Améliorer l’attractivité

Aucun calendrier ou chiffre n’est communiqué pour l’instant. L’objectif est d’améliorer l’attractivité, car les propriétaires croient fermement en l’avenir du centre commercial. «Nous voulons offrir une meilleure expérience clients. Nous attendons de recevoir le permis de construire pour donner plus d’informations», précise le porte-parole du fonds immobilier.

«Il y a de toute façon un avenir pour les centres commerciaux»
Philippe Gumy

Pour sa part, le syndic de Granges-Paccot René Schneuwly indique que la commune a donné un préavis favorable au dossier et, qu’à sa connaissance, une opposition a été déposée lors de la mise à l’enquête. «Nous préférerons évidemment qu’Agy Centre fonctionne mieux», dit-il. Le dossier va prochainement être réceptionné par le Service des constructions et de l’aménagement, qui établira son préavis de synthèse puis qui transmettra le dossier à la préfecture, précise Guido Balmer, porte-parole de la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l’environnement.

Âge d’or révolu

Autant dire que ces changements sont attendus avec impatience par un des locataires d’Agy Centre: le magasin de réparation PC Store. «J’hésitais à prolonger mon contrat, mais je vais quand même le faire et espère que les affaires vont s’améliorer. Mon chiffre d’affaires a baissé de 50% depuis le Covid. J’ai dû licencier des employés et je travaille désormais seul», souffle Bashkim Zeka, qui est installé à Agy Centre depuis 13 ans. Autre son de cloche du côté du sex shop Magic X, où les affaires sont plutôt bonnes. «L’avantage d’être là depuis vingt ans est que les clients nous connaissent. Ils ne viennent pas par hasard», indique Thomas Tetzlaff, directeur général. Pour sa part, Giovanni Iacomini, responsable communication pour Coop, indique qu’il n’est actuellement pas prévu de rénover le supermarché et que ce point de vente est jugé satisfaisant.

Rappelons que Media Mark avait quitté les lieux en 2018, et que Lidl avait mis à l’enquête en 2019 l’implantation d’une filiale, sans que cela ne se concrétise. Dans le même secteur, si Poya Centre se porte plutôt bien, le centre commercial abritant notamment Migros a un étage supérieur désert depuis que le Centre cantonal de vaccination a fermé à fin mars 2023.

Il faut dire que l’âge d’or des centres commerciaux paraît révolu, bien que les chiffres d'affaires semblent avoir retrouvé le niveau d’avant la pandémie, selon une publication de l’institut GfK portant sur le commerce de détail en Suisse. Et si l’année 2023 semble avoir été meilleure que prévue, selon la Chambre de commerce et d’industrie du canton de Fribourg (CCIF),  «aucune nouvelle et importante surface commerciale n’a été construite dernièrement dans le canton, et aucune ne semble prévue prochainement», indique Snežana Peiry, déléguée économique à l’Agglomération de Fribourg, en se référant à une récente étude immobilière commandée par l’institution. Elle précise que la demande diminue en raison du contexte conjoncturel et du commerce en ligne.

Des informations confirmées par Marcel Stoffel, directeur de Swiss Council of shopping places, qui se définit sur son site internet comme «la plus grande communauté suisse pour le secteur du commerce de détail, de l’immobilier commercial et des centres commerciaux». «De nombreux centres commerciaux perdent non seulement leur chiffre d’affaires et leur fréquentation, mais aussi leur attractivité et leur pertinence», indique-t-il. Selon lui, ce phénomène s’explique par une forte saturation du marché, une trop grande densité des surfaces de vente, la concurrence entre les fournisseurs ou encore le tourisme d’achat liée au franc fort et les achats en ligne.

«Question de survie»

Il faut donc se battre pour rester à flot. Les extensions et transformations représentent une bonne solution et sont même qualifiées de «question de survie, surtout pour les petits centres» par Marcel Stoffel. Récemment, Fribourg-Sud a par exemple été modernisé et agrandi par Coop grâce à un investissement de 103 millions de francs. Une autre piste est de diversifier l’offre dans les domaines du loisir, du coworking, du divertissement, du bien-être, de la beauté, de la gastronomie ou encore du fitness, selon Marcel Stoffel, qui recommande aussi des contrats de location flexibles.

«Les centres commerciaux à succès deviennent des points de rencontre sociaux, des zones où les gens ne font pas que dépenser leur argent, mais passent aussi leur temps», ajoute-t-il. Pour Snežana Peiry, la qualité des produits doit être soignée. Philippe Gumy, directeur adjoint de la CCIF, ajoute que le nombre de place de parcs ainsi que la localisation sont importants. Il donne l’exemple d’Avry Centre, situé à proximité d’une sortie d’autoroute, qui se trouve toujours dans le top 20 des plus grands centres commerciaux de Suisse, selon la surface de vente, comme l’indique la publication de GfK.

Il y a de toute façon un avenir, estime Philippe Gumy. «Dans l’alimentaire, le besoin en centres commerciaux va demeurer très important. Pour tout le reste, la situation évolue, avec par exemple beaucoup moins d’enseignes spécialisées dans l’électronique, qui est le secteur où les consommateurs optent le plus souvent pour des achats en ligne. La concurrence grandit aussi dans les vêtements et les chaussures. L’équilibre entre achat en magasins et achat en ligne mettra encore des années pour se stabiliser. L’avenir est sans doute à chercher vers davantage de complémentarité, avec par exemple des conseils en magasin, via quelques produits de démonstration, puis une livraison à domicile.»

Un âge d’or dans les années 2000

Hormis les grands magasins de la ville de Fribourg – Manor (autrefois appelé Placette) ou encore Coop City –, le premier centre commercial de périphérie, Avry Centre, a vu le jour au début des années 1970, indique le directeur adjoint de la Chambre de commerce et d’industrie du canton de Fribourg Philippe Gumy. «Ce complexe est né de la généralisation de la voiture dans les ménages fribourgeois. Il y a ensuite eu une évolution relativement lente des grands magasins (Jumbo – actuel Fribourg-Sud, ou Agy Centre à Granges-Paccot). Le boom a eu lieu dans les années 2000 avec la très forte croissance démographique du canton. Cela s’est traduit par la construction de Fribourg Centre et de Matran Centre, avec des commerces satellites.»

Depuis la montée en puissance du commerce en ligne, des changements ont eu lieu et certains centres ont par exemple perdu de grandes enseignes spécialisées dans l’électronique grand public, poursuit Philippe Gumy. «La pandémie a aussi contribué à redistribuer les cartes. Fribourg-Sud a fortement investi pour se renouveler, par exemple. La situation reste en évolution constante», conclut-il. LMP