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Initiatives alimentaires: les médias pointent le Röstigraben

La barrière de rösti sur les initiatives alimentaires dénoncée dans la presse romande. © KEYSTONE/GERHARD RIEZLER
La barrière de rösti sur les initiatives alimentaires dénoncée dans la presse romande. © KEYSTONE/GERHARD RIEZLER


Publié le 24.09.2018


La presse romande pointait lundi à l'unanimité le Röstigraben entre les Romands et le reste de la Suisse après le sec rejet des deux initiatives alimentaires, soumises au peuple dimanche. Mais le débat sur l'agriculture ne fait que commencer, préviennent-ils.

"Le verdict est sans appel", constate Le Courrier. Avec 61,3% de "non" à l'initiative des Verts pour des aliments équitables et 68,4% de rejet pour celle du syndicat Uniterre pour la souveraineté agricole, "l'avis des Romands a été écrasé par la majorité alémanique", renchérit Le Quotidien Jurassien (QJ).

Le Nouvelliste note avec ironie la présence littérale du Röstigraben, car "outre leur accent, c'est certainement sur leurs habitudes alimentaires que les deux communautés linguistiques se distinguent le plus aisément."

Cette barrière de rösti, indique La Liberté, s'explique par le fait que "les Alémaniques refusent que quiconque leur dicte leur menu". Ils ont préféré une liberté de choix à "une intervention accrue de l'Etat dans l'agriculture".

A l'instar d'autres quotidiens, le journal fribourgeois relève également une sensibilité différente de la Suisse romande face à l'agriculture. "La majorité des appellations d'origine protégée proviennent d'ailleurs du terroir romand", note le QJ.

Argument d'une hausse des prix

L'argument d'une hausse des prix en cas d'acceptation des initiatives, répété par les opposants, a été décisif, estiment tous les journaux. "Les Suisses, Alémaniques en tête, ont voté comme ils font leurs courses: en regardant le prix plutôt que la qualité de l'aliment", poursuit le journal jurassien.

"C'est comme au marché, devant l'étal du petit producteur 'bio' qui vend ses tomates deux francs plus cher au kilogramme que l'importateur d'à côté. Silencieusement, on soutient le premier, mais on fait ses achats chez le second", précise ArcInfo.

Le Temps y voit l'"ébauche d'un Röstigraben" entre consommateurs, "les uns (étant, ndlr) motivés par le prix, les autres par la recherche de qualité". Évoquant aussi l'argument du rejet d'une nouvelle intervention de l'État, il estime encore que "les Suisses n'ont pas voulu ajouter à la complexe machine de la politique agricole et à ses 4000 pages de prescriptions un surcroît de contraintes".

Face à la peur d'une hausse des prix, "le rapport d'Avenir Suisse tombé comme par hasard il y a quelques jours et chiffrant à 20 milliards de francs le coût annuel de l'agriculture, a définitivement sonné le glas de ces deux textes", juge Le Journal du Jura.

Le quotidien rappelle que l'initiative pour les aliments équitables recueillait encore 78% d'intentions de votes à la fin août et celle intitulée "pour la souveraineté alimentaire" 75%. "La désillusion est douloureuse", note-t-il.

Pour le Nouvelliste, ces premiers sondages très favorables indiquent une préoccupation de la population. Mais les consommateurs se sentent perdus dans la sélection des produits de qualité. "C'est ce champ de la transparence que le monde politique doit investir aujourd'hui."

"Que des perdants"

Mais, relèvent la Tribune de Genève et 24 Heures, ce Röstigraben "reste sur l'estomac". "Ce scrutin ne fait que des perdants", car la branche se trouve à la croisée des chemins. "Il n'est pas question de statu quo, mais de choix d'avenir". "En votant non, le consommateur décide de ne rien décider", expliquent les journaux lémaniques.

Ce vote est aussi une "division qui gangrène le monde agricole entre l'Union suisse des paysans, plutôt de centre droit, et le syndicat Uniterre, plutôt écologiste de gauche", selon les deux journaux lémaniques. Or, le second est "présent surtout dans la partie francophone de la Suisse", région qui a dit "oui" aux deux objets, remarque Le Courrier.

Si les citoyens ont opté pour une liberté de choix, le résultat des votations n'est pas non plus "un soutien massif à l'ouverture des marchés et au démantèlement des protections douanières visées par la droite économique", constate à l'instar du reste de la presse Le Temps. La Tribune de Genève et 24 Heures préviennent d'ailleurs le ministre de l'économie, Johann Schneider-Ammann, de se garder "de toute euphorie" dans la conclusion d'accords de libre-échange.

"Ce n'est que partie remise", souligne Le Courrier. "La question d'une agriculture durable et moins industrielle reviendra inéluctablement sur le tapis", précise-t-il.

"L'agriculture passionne les citoyens", ajoute ArcInfo. "Les consciences s'éveillent et bien d'autres votations se pencheront sur le contenu de notre assiette". L'immobilisme menace notre santé. "Plus on attend, plus l'addition sera salée".

ats

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