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En vingt ans, Fribourg a condamné 15 personnes pour discrimination raciale

Justice • Traiter en Suisse quelqu'un de «sale nègre» ou affirmer en public que «les juifs sont bons pour la chambre à gaz»: ces propos ne passent plus la rampe depuis belle lurette. Dénoncés à la justice, ils mènent à des condamnations parfois salées. La commission fédérale contre le racisme (CFR) publie de manière anonymisée toutes les décisions sur son site depuis 1995.

Parmi les condamnés à Fribourg, un excité qui avait traité les policiers de «sales blancs» a écopé de 120 jours-amende, incluant des délits plus graves. © Alain Wicht/La Liberté (photo prétexte)
Parmi les condamnés à Fribourg, un excité qui avait traité les policiers de «sales blancs» a écopé de 120 jours-amende, incluant des délits plus graves. © Alain Wicht/La Liberté (photo prétexte)

Antoine Rüf/ATS

Publié le 05.01.2015

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Ce n’est certainement pas l’article du code pénal le plus souvent employé mais, vingt ans après son entrée en vigueur, la norme antiraciste de l’article 261 bis, qui interdit la discrimination raciale ou religieuse et la négation des génocides, fait gentiment son chemin dans la jurisprudence, indique la Commission fédérale contre le racisme (CFR), qui a publié toutes les décisions sur internet.

En 2013, à un arrêt de bus dans le canton de Vaud (qui a enregistré 103 décisions depuis 1995), un homme, sous l'emprise de l'alcool, traite deux personnes de «sales noirs de merde», insultes assorties de commentaires tels «Vous n'avez rien à faire ici» et «Vous êtes tous des dealers de merde et vous polluez nos rues». Lors de son interrogatoire au poste de police, l'énergumène confirme ses propos sans manifester aucune excuse.

Verdict de la justice pour violation de l’article 261 bis du Code pénal: 45 jours de peine privative de liberté ferme et une amende de 200 francs, convertible en deux jours de prison en cas de non-paiement.

Sensibilités cantonales

Cette sentence particulièrement lourde, au regard des autres cas documentés, s'explique notamment par le fait que l'homme avait également proféré des menaces à l'encontre des policiers et qu'il avait des antécédents judiciaires. En outre, chaque canton interprète la loi selon sa propre sensibilité.

Le recueil de l'ensemble des décisions est accessible sur le site de la commission. Il propose un module de recherche par période, canton, instance, type de délit (race, ethnie ou religion), victime et catégorie d’auteurs (journaliste, particulier, extrême-droite, partis...).

Le bilan dans le canton de Fribourg

Dans le canton de Fribourg, l’article antiraciste a été appliqué 21 fois. Au total, une quinzaine de personnes ont été condamnées, certaines à deux ou trois reprises.

Ainsi, le président d’un groupuscule négationniste intitulé «Vérité et Justice» qui diffusait des écrits nauséabonds niant la réalité de l’Holocauste et des chambres à gaz nazies a été condamné à deux reprises, à quatre mois de prison avec sursis en 1998, puis à trois mois ferme au début des années 2000, après que son groupement a été dissous par la justice civile.

Un autre révisionniste notoire ayant diffusé le même genre d’écrits a été condamné à un mois de prison ferme. Son casier judiciaire suisse était vierge, mais il avait été condamné cinq fois en France pour la même raison à des amendes totalisant 125'000 francs.

Policiers traités de «sales blancs»

Les autres cas sont plus banals. Des injures racistes contre un Tamoul (30 jours-amende). Un excité récalcitrant qui avait traité les policiers de «sales blancs» (120 jours-amende, incluant des délits plus graves). Un refus d’entrée en discothèque pour les noirs (1000 et 600 francs d’amende).

Des discussions sur internet présentant les «Balkaniques» comme des abuseurs de l’aide sociale (1500 francs) ou propageant des messages antisémites (2000 francs). Quatre mineurs s’étaient envoyé des SMS appelant à «laisser crever» les «Yougos». Le juge des mineurs les a trouvés corrigés et assez punis par l’exclusion d’un camp de ski et les ennuis de la procédure, et a renoncé à les sanctionner.

664 cas dénoncés depuis 1995

A l’échelle suisse, indique la Commission fédérale contre le racisme, dont le site internet recense et documente les décisions de justice en la matière, 664 cas ont été portés à la connaissance de la justice depuis 1995. Deux cent soixante-trois cas ont été classés sans suite, 54 ont fait l’objet d’acquittements et 336 de condamnations.

On est sans nouvelle des 11 cas restants. Ces données se basent sur les jugements qui ont été communiqués à la CFR. L’Office fédéral de la statistique en dénombre davantage.

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